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Vallauris, autrefois une ville industrielle florissante grâce à la production de céramiques, a vu ses grandes fabriques de poteries disparaître peu à peu. Pourtant, des passionnés comme Michel Ribero ont choisi de lutter contre cet effacement, en consacrant leur vie à la préservation de cet héritage artisanal. Aujourd'hui, Ribero continue de transmettre son savoir et de préserver les outils du passé, assurant ainsi la pérennité de ce métier qui a façonné sa vie.
Michel Ribero n’a pas eu à chercher loin pour trouver sa vocation. Né dans une famille de potiers à Vallauris, il a grandi au milieu des argiles, des émaux et des fours à bois. « La céramique, je suis tombé dedans quand j'étais petit », dit-il avec humour, tout en soulignant l’importance de cet héritage familial. Alors que ses camarades profitaient des vacances d’été, Ribero passait ses journées dans l’atelier de son père, apprenant sur le tas l’art de façonner la terre.
« Il n'y avait pas de colonies de vacances, c'était l'atelier », raconte-t-il. À quatorze ans, il avait déjà mis la main à la pâte, aux côtés d’autres jeunes de la ville qui, comme lui, passaient leurs étés à travailler dans les fabriques de poteries. Pour Ribero, cette expérience précoce lui a permis d’acquérir un savoir-faire précieux, qu’il continue aujourd'hui de transmettre.
Vallauris, ville céramique par excellence, s’est fait connaître pour ses poteries utilitaires, destinées principalement à la cuisine. « À l'origine, c'était plus tourné vers une production de poteries utilitaires qui servaient à faire la cuisine », explique Ribero. Ces poteries étaient conçues pour résister à de hautes températures et étaient utilisées directement sur les poêles à bois. À son apogée, au début du XXᵉ siècle, Vallauris produisait environ 20 000 tonnes de céramiques par an. Ces objets étaient distribués dans toute la France et même au-delà.
Cependant, avec l’évolution des modes de cuisson et l’avènement du gaz et de l'électricité, les poteries traditionnelles sont peu à peu tombées en désuétude. Le déclin de cette industrie locale a été brutal, les fabriques fermant les unes après les autres. Michel Ribero a vécu cette période difficile, voyant disparaître une partie du patrimoine industriel de sa ville. Pour lui, cette disparition était inacceptable. « J'ai vécu la période où des fabriques de poteries disparaissaient les unes après les autres », se souvient-il.
Témoin de cette décadence, Ribero a décidé de prendre les choses en main. Il a commencé à accumuler des machines, des outils et tout ce qui pouvait encore être sauvé des anciennes fabriques. « J'ai voulu reconstituer, dans une mesure plus ou moins réduite, une fabrique de poteries », explique-t-il. Son objectif ? Offrir au public une opportunité unique de découvrir le savoir-faire artisanal qui a fait la renommée de Vallauris. « Il est très important de pouvoir conserver ces outils et de savoir encore comment les utiliser », insiste-t-il.
Au fil des années, Ribero a ainsi constitué une collection d’outils et de machines qu’il expose désormais au sein d’un musée. Ce lieu permet aux visiteurs de se plonger dans l’univers des potiers, de comprendre les différentes étapes de fabrication d’une poterie, et surtout, d’apprécier la complexité du travail manuel qui se cache derrière chaque objet.
Pour Michel Ribero, la préservation de ce patrimoine va bien au-delà de la simple sauvegarde d’objets anciens. C’est avant tout un hommage aux générations passées, à ces hommes et ces femmes qui ont consacré leur vie à façonner la terre. « C’est surtout un témoignage de ceux qui étaient avant nous, qui nous ont apporté leur savoir-faire », explique-t-il avec émotion. Pour lui, chaque outil, chaque machine raconte une histoire, celle d’une époque où la poterie faisait vivre des milliers de familles à Vallauris.
Le musée de Ribero ne se contente pas d’exposer de belles pièces de céramique. Il présente aussi les machines et les outils utilisés par les potiers d’autrefois, permettant aux visiteurs de mieux comprendre les différentes étapes du processus de fabrication. « C’est très important de montrer les outils, parce qu'en général, dans un musée, on voit des pièces finies, mais on ne se rend pas compte du travail qui se cache derrière », souligne Ribero. À travers cette exposition, il souhaite transmettre non seulement un savoir-faire, mais aussi une passion pour cet art ancestral.
Pour Ribero, la céramique n’est pas seulement un art, c’est aussi une science. « La céramique est une science. C'est de la chimie minérale, et on n'est jamais sûr du résultat », explique-t-il. Chaque pièce de poterie est le fruit d’un long processus, où chaque étape, de la préparation de l’argile à la cuisson finale, peut influencer le résultat. « On ne maîtrise pas la matière, on ne maîtrise pas ce qui se passe pendant la cuisson », reconnaît-il.
L'incertitude fait partie du quotidien du potier. Chaque cuisson est un moment de suspense, où le résultat final peut être aussi bien une réussite éclatante qu'un échec total. « Il y a une espèce d'alchimie qui se passe lorsque l'on met des pièces au four. On a hâte de voir le résultat, mais parfois, on est heureux, et d'autres fois, on est déçus », admet-il. Ce mélange d'art et de science fait de la poterie un métier à la fois exigeant et passionnant.
L'une des étapes les plus importantes de la fabrication est la préparation de l'argile. « L'argile a un cycle de préparation bien déterminé et scrupuleusement respecté », explique Ribero. Une fois extraite de la carrière, l'argile est d'abord broyée, puis tamisée pour en retirer les impuretés. Elle est ensuite mélangée avec de l'eau jusqu'à obtenir une consistance fluide. Cette « pâte à crêpe », comme la décrit Michel Ribero, est ensuite pressée pour éliminer l'excès d'eau. « Cette étape peut prendre jusqu'à 24 heures », précise-t-il. Une fois prête, l’argile est enfin façonnée et cuite pour devenir une poterie.
Au-delà des potiers eux-mêmes, c’est tout un écosystème qui gravitait autour de la production de céramiques à Vallauris. Michel Ribero rappelle que la poterie faisait vivre de nombreux autres métiers dans la région. « Vous aviez tous ces charretiers, cette corporation qui faisaient l'approvisionnement en argile, en bois », raconte-t-il. À l’époque, les forêts locales étaient soigneusement entretenues pour fournir le bois nécessaire à l’alimentation des fours. Ce commerce du bois faisait vivre les communes environnantes et jouait un rôle essentiel dans l'économie locale.
Ribero évoque également la place des autres artisans dans cet écosystème, comme les charrons, les menuisiers et les ferronniers, qui travaillaient main dans la main avec les potiers. « Il y avait tout un monde qui vivait à travers la poterie », se souvient-il. Vallauris n’était pas simplement une ville de potiers, mais une véritable ville industrielle, où plusieurs milliers de personnes trouvaient du travail grâce à cet art.
L’importance de la céramique à Vallauris était telle que des artistes de renommée internationale, comme Picasso, Miro ou Chagall, sont venus travailler dans ses ateliers. « À cette époque, Vallauris était vraiment le centre du monde de la poterie », se félicite Ribero. L’arrivée de ces grands noms de l’art moderne a permis à la ville de rayonner au-delà des frontières, et d’attirer l’attention du monde entier sur ses céramiques.
L’une des spécificités de Vallauris réside dans la capacité de ses potiers à produire des centaines de pièces identiques, jour après jour. « Les tourneurs, c'étaient comme des machines humaines », explique Michel Ribero, admiratif du savoir-faire de ces artisans. Ils pouvaient fabriquer des centaines de pièces à la chaîne, toutes parfaitement identiques, une prouesse qui témoigne de leur maîtrise technique.
Cette production en série était l’une des forces de Vallauris, qui pouvait ainsi répondre à la demande croissante en céramiques utilitaires. « Chaque jour, ils reproduisaient les mêmes gestes, avec une précision inégalée », raconte Ribero. Mais cette capacité à produire en masse n’empêchait pas les potiers de Vallauris de créer des pièces uniques et artistiques, grâce à l’arrivée de céramistes d’art comme Picasso.
Aujourd’hui, Michel Ribero se consacre à la transmission de ce savoir-faire. Pour lui, il est essentiel que les nouvelles générations comprennent l’importance de la poterie dans l’histoire de Vallauris, et qu’elles perpétuent cette tradition. « C’est un métier de valeur, où l’on transmet non seulement un savoir-faire, mais aussi un témoignage du passé », souligne-t-il. Grâce à son travail de conservation et à son musée, Ribero espère que ce métier continuera de vivre, et que l’histoire de Vallauris ne tombera pas dans l’oubli.
La préservation du four à bois, pièce maîtresse du musée de Ribero, est l’un des éléments clés de cette transmission. « Heureusement, le four à bois d'époque n'a pas été détruit en urgence », se réjouit-il. Ce four, qui servait autrefois à cuire les poteries utilitaires, permet aujourd'hui aux visiteurs de comprendre comment se déroulait la production de céramiques à Vallauris. Il est le symbole d’un savoir-faire ancestral, que Michel Ribero s'efforce de préserver.
Malgré le déclin de la production industrielle, Michel Ribero reste optimiste quant à l’avenir de la céramique à Vallauris. De jeunes artisans s’installent dans la région, apportant avec eux de nouvelles techniques et de nouveaux matériaux. « La céramique à Vallauris s'est diversifiée », explique Ribero. Si les potiers d’autrefois se concentraient principalement sur la faïence, les nouveaux arrivants travaillent désormais avec des matériaux comme la porcelaine et explorent des techniques modernes.
Ribero voit dans cette diversification un signe encourageant pour l’avenir. « La nouvelle génération apporte un souffle nouveau à cet art », se félicite-t-il. Bien que la production ne soit plus la même qu'au début du XXᵉ siècle, la céramique continue d’évoluer, portée par des artisans passionnés qui cherchent à allier tradition et innovation.
En fin de compte, ce que Michel Ribero souhaite le plus, c'est que l’on n’oublie pas l’importance de cet artisanat qui a fait vivre tant de familles à Vallauris. « C’est surtout un témoignage », conclut-il, conscient que sa mission est de préserver la mémoire de ceux qui, avant lui, ont façonné la terre et construit l’histoire de la céramique. Grâce à lui, le savoir-faire des potiers de Vallauris continue de vivre, de se transmettre et d’inspirer les générations futures.
Cet article met en lumière l’importance de la préservation d’un savoir-faire artisanal unique, transmis de génération en génération, et montre comment Michel Ribero, à travers son engagement, assure la survie de la tradition céramique à Vallauris.
BP + IA