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Né à Grasse, berceau mondial de la parfumerie, Alain Garossi a consacré plus de quatre décennies à la création de fragrances. Aujourd’hui enseignant, il transmet son savoir, avec la même ferveur que lorsqu’il était nez. Rencontre avec un artisan du sensible, pour qui le parfum est une culture vivante, en constante évolution.
Dès les premières secondes de l’entretien, Alain Garossi pose le décor. Son objectif en tant qu’enseignant est clair : ouvrir les horizons.
« J’essaye de faire découvrir à mes étudiantes qu’il n’y a pas une parfumerie, il y a des parfumeries. Il n’y a pas un pays où on fait la parfumerie, on la fait partout, dans des conditions différentes, avec des goûts différents », explique-t-il.
Cette vision plurielle du parfum est au cœur de son parcours. Né à Grasse, ville emblématique du parfum depuis le XVIIe siècle, Alain Garossi a grandi dans un environnement où les senteurs rythment la vie quotidienne. Sa famille travaillait déjà dans le domaine, ce qui a naturellement orienté ses pas.
Le métier de parfumeur n’est pas seulement une question de chimie ou de composition. C’est un art, une sensibilité, mais aussi une technicité rigoureuse.
« Je suis né à Grasse et mon métier a été créateur de parfums pendant 42 ans », affirme-t-il avec une simplicité désarmante. Pourtant, derrière ces mots se cache un parcours riche, entre tradition locale et innovation mondiale.
Il raconte avoir eu « la grande chance » de naître à Grasse, dans une famille d’employés de la parfumerie. Cette proximité avec les fleurs, les essences, les gestes techniques, a nourri dès son plus jeune âge une vocation.
L’apprentissage du métier s’est fait sur le terrain, au contact de matières premières d’exception.
« Dans le métier, on apprend comment on extrait l’absolu de jasmin, l’essence de rose, toutes ces choses qui sont magiques », explique Alain Garossi. Derrière la magie, il insiste sur l’importance du savoir-faire : « Ce sont le résultat d’un savoir-faire. Il y a beaucoup de recherches, de transmission. »
Le mot transmission revient souvent dans son discours. Car si le parfumeur est un créateur, il est aussi l’héritier d’une longue tradition. C’est cette tradition qu’il a lui-même voulu perpétuer, en changeant de rôle.
Le déclic s’est fait rapidement. Trois ans après ses débuts, Alain Garossi est devenu parfumeur à part entière.
« Je suis tombé amoureux du métier et au bout de trois ans, je suis devenu un jeune parfumeur. » Une passion précoce, consolidée par les années. Et surtout, une curiosité intacte, qui ne l’a jamais quitté.
Au fil des décennies, il a vu évoluer le monde de la parfumerie : mondialisation des marchés, nouveaux matériaux, changements dans les attentes des consommateurs. Pourtant, au cœur du métier, il reste cette volonté de créer une émotion à travers une fragrance.
Après quarante-deux ans passés à composer, il décide de transmettre. L’université de Nice fait appel à lui pour participer à la création d’un master en parfumerie.
« L’université de Nice est venue me chercher avec l’intention de créer un master en parfumerie. Et depuis 2018-2019, j’ai été enseignant à l’université… », raconte-t-il.
Le changement est de taille : passer du laboratoire à la salle de classe, des éprouvettes aux échanges pédagogiques. Mais pour Alain Garossi, c’est une continuité. Enseigner, c’est transmettre ce que les anciens lui ont transmis, c’est perpétuer une chaîne.
L’aventure ne s’arrête pas à Nice. À la faveur d’un contact inattendu, il s’ouvre à l’international.
« J’ai été contacté par un autre collège, cette fois basé à Delhi, qui m’a proposé de venir participer à un cours de parfumerie. »
Ce pont entre la France et l’Inde illustre parfaitement la mondialisation du savoir-faire en parfumerie. Là où autrefois Grasse était le centre exclusif de l’industrie, aujourd’hui, les écoles, les laboratoires et les talents s’épanouissent sur tous les continents.
Et pour Garossi, c’est une opportunité de plus de confronter les approches, les goûts, les cultures.
L’interview se déroule d’ailleurs à l’occasion d’un événement spécifique : la première journée dédiée à la tubéreuse, une fleur venue du Mexique.
« Ce matin, on a inauguré la première journée de la tubéreuse, dédiée à cette fleur qui vient du Mexique. » Ce type d’événement célèbre non seulement une plante emblématique, mais aussi l’importance de la biodiversité dans la création de parfums.
À travers ces journées thématiques, Alain Garossi continue de faire le lien entre les fleurs, les terroirs, et les compositions olfactives. Chaque essence porte en elle une histoire, un climat, une culture.
Dans ses cours, Alain Garossi ne se contente pas d’enseigner les bases chimiques ou techniques. Il adopte une approche globale, presque philosophique.
Pour lui, comprendre le parfum, c’est comprendre l’autre. C’est faire un pas vers une altérité olfactive, une culture sensorielle différente de la sienne.
Il encourage ses étudiants à voyager, à sentir, à s’ouvrir à d’autres traditions. Le parfum devient alors un langage universel, une façon de créer du lien entre les individus et les peuples.
À travers son parcours, Alain Garossi illustre ce que signifie véritablement être parfumeur : une passion, une rigueur, une curiosité constante, mais aussi une forme d’humilité face à la richesse de la nature et des traditions humaines.
Qu’il parle de l’essence de rose, de l’absolu de jasmin ou de la tubéreuse mexicaine, c’est toujours avec le même regard émerveillé. Comme si, après 42 ans de carrière, chaque fragrance était encore une promesse.
Alain Garossi est plus qu’un parfumeur : il est un passeur de mémoire. Il incarne une parfumerie vivante, connectée au monde, ouverte à toutes les influences.
Son message est clair : il n’existe pas une parfumerie unique, mais une infinité de façons de la concevoir, de la pratiquer, de la transmettre. Et à travers son enseignement, c’est cette diversité qu’il célèbre, un sillage à la fois personnel et universel.
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