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Depuis plus d’un siècle, la régie des eaux du Canal Belletrud assure l’approvisionnement en eau potable de 18 communes des Alpes-Maritimes. Bastien Viaud, chargé de communication, nous plonge dans l’histoire et les défis contemporains de ce service public à la fois discret et essentiel, dans un contexte de raréfaction des ressources.
L’histoire du Canal Belletrud remonte au début du XXe siècle. Son fondateur, Michel Belletrud, ingénieur visionnaire et maire de Cabris, pressent dès les années 1920 les tensions croissantes autour de l’eau dans le moyen pays grassois. À l’époque, l’accès à une eau potable et propre n’est pas garanti, particulièrement en été.
« C’était la volonté de Michel Belletrud […] de pouvoir amener l’eau, une eau potable et une eau propre aux habitants », rappelle Bastien Viaud. En 1931, le canal originel est inauguré. Il puise son eau entre Escragnolles et Mons, en montagne, et alimente cinq premières communes du secteur. Un siècle plus tard, l’empreinte de Belletrud est toujours là — et les enjeux restent, eux aussi, étonnamment similaires.
Le changement climatique n’a fait qu’aggraver les tensions sur la ressource. Étés plus secs, nappes phréatiques fragilisées, pics de consommation… les défis se multiplient. « Une eau qui est un petit peu rare, et qui est vraiment très précieuse », résume Bastien Viaud.
La régie publique s’attelle donc à concilier impératifs de service et sobriété hydrique. Un mot d’ordre : économiser l’eau à tous les niveaux. Cela commence par la traque minutieuse des fuites sur les réseaux. « On met tout un tas de choses en place pour essayer d’économiser au maximum cette eau », insiste-t-il.
Le gaspillage par fuites représente une part importante des pertes dans les réseaux français. C’est pourquoi la régie investit dans des équipements de détection, de surveillance et dans la formation de ses équipes pour limiter au maximum ces pertes invisibles.
Mais la stratégie ne s’arrête pas à la maintenance. « On essaie d’avoir des process qui sont plus efficaces », précise Bastien Viaud. Cela passe par une modernisation progressive des installations, une digitalisation des outils de suivi, et une optimisation du fonctionnement des stations de traitement et des unités de pompage.
L’usine de traitement de Saint-Cézaire, par exemple, est un maillon clé du dispositif. C’est là que l’eau, après avoir parcouru 11 kilomètres depuis la source, est traitée pour répondre aux normes sanitaires. « L’eau qui arrive au robinet vient quand même d’assez loin, elle vient plutôt des montagnes », explique-t-il.
Un voyage invisible pour les usagers, mais rendu possible par une logistique complexe et une vigilance de tous les instants.
Aujourd’hui, la régie du Canal Belletrud couvre un vaste territoire : 18 communes du moyen pays, dont certaines très urbanisées, d’autres plus rurales ou touristiques. Cette diversité implique une gestion fine des flux, des besoins et des infrastructures.
L’eau potable, certes, mais aussi l’assainissement : la régie prend en charge l’évacuation et le traitement des eaux usées, un enjeu écologique majeur dans un territoire sensible.
Face à cette double responsabilité, la régie a choisi de rester un service public local, au fonctionnement mutualisé. « C’est un modèle qui permet une vraie proximité, une réactivité, et surtout une gestion de long terme », souligne Bastien Viaud.
Au-delà de la technique, l’eau porte une dimension patrimoniale forte. Le Canal Belletrud n’est pas qu’un tuyau : c’est un symbole de solidarité entre communes, une trace vivante de la construction territoriale du XXe siècle.
La régie s’inscrit dans cette histoire, et la fait vivre. À travers son nom, ses actions de sensibilisation, et la mémoire de Michel Belletrud, elle rappelle que l’eau a toujours été un sujet politique et collectif.
« On existe depuis maintenant plus de 100 ans », rappelle Viaud. Une longévité rare, qui confère à la régie une forme d’autorité tranquille sur son territoire, mais qui n’épargne pas les remises en question.
Car l’avenir s’annonce exigeant. Les prévisions climatiques tablent sur une baisse continue des ressources disponibles et une hausse de la demande. La régie du Canal Belletrud, comme d’autres, va devoir « faire plus avec moins » : plus d’efficacité, plus de concertation, plus d’innovation… avec moins d’eau.
Cela suppose aussi une évolution des comportements, tant du côté des usagers que des institutions. Les économies d’eau ne peuvent reposer uniquement sur la technique. Elles impliquent une pédagogie, une responsabilisation collective.
C’est là que le rôle de Bastien Viaud prend tout son sens. En tant que chargé de communication, il fait le lien entre la régie et les habitants. Il informe, explique, sensibilise. Une mission discrète mais essentielle, au même titre que celle des techniciens sur le terrain.
En filigrane de l’entretien, une conviction se dégage : l’eau est un bien commun, trop souvent pris pour acquis. Ce que raconte l’histoire du Canal Belletrud, c’est cette longue chaîne d’efforts, de savoir-faire et d’engagements pour qu’un geste aussi simple que tourner le robinet soit possible.
La régie continue aujourd’hui le travail engagé il y a un siècle. Elle s’adapte, elle innove, elle se réinvente, sans bruit. Dans un monde en tension, ce modèle de gestion locale et solidaire pourrait bien s’avérer, à terme, le plus résilient.
Ce portrait de Bastien Viaud met en lumière un acteur peu médiatisé mais fondamental de notre quotidien. À travers son regard, c’est toute une organisation, une mémoire et un savoir-faire territorial qui s’expriment.
Alors que l’eau devient un enjeu planétaire, les régies locales comme celle du Canal Belletrud apparaissent comme des vigies. Des acteurs de l’ombre, au service d’un bien vital. Et à l’image de leur ressource, elles mériteraient, elles aussi, d’être traitées avec plus de reconnaissance et de soin.
SDZ + IA