« Ceux qui ont défendu la France, ce sont des civils »

À Châteauneuf, une association fait revivre le Débarquement de Provence pour transmettre la mémoire aux plus jeunes

Dans le village de Châteauneuf, au cœur du Vaucluse, une poignée de passionnés ravivent les flammes de l’Histoire. Sous l’égide de Bertrand Vitu, vice-président de Provence 44 Productions, l’association réalise des films de reconstitution sur le débarquement en Provence. Leur objectif : ancrer la mémoire dans la réalité historique, et semer, chez les plus jeunes, les graines d’une fraternité durable.

« Nous faisons des films de reconstitution sur le débarquement de Provence »

Depuis plusieurs années, Provence 44 Productions s’emploie à raconter un chapitre parfois méconnu de la Seconde Guerre mondiale : le débarquement de Provence, survenu en août 1944. Mais pas question ici de simples films historiques, insiste Bertrand Vitu. « Jamais il n'y a eu de films de reconstitution. J'entends bien. Je ne parle pas de films historiques. Mais par contre, quand nous les faisons, et bien nous les faisons de telle manière à ce que ces films là soient, mais dans la réalité historique. »

L’association s’appuie sur un tissu associatif local très riche, constitué de groupes de reconstitution. Ils fournissent costumes, véhicules, et parfois même armes d’époque, pour redonner vie aux événements. Cette mobilisation collective donne aux productions une authenticité rare. Le film phare de l’association, Le Vent des libérateurs, en est l’exemple le plus parlant.

« On va dans toutes les écoles diffuser ces films »

Ce travail minutieux ne vise pas seulement les passionnés d’Histoire. Il s’adresse surtout aux jeunes générations. Bertrand Vitu le martèle : l’Histoire n’a de sens que si elle est transmise. Les projections en milieu scolaire sont au cœur du projet. « On va dans toutes les écoles diffuser ces films. C'est ce film principalement, Le Vent des libérateurs, parce que là, ça parle… il y a des enfants qui sont dedans. »

En intégrant des enfants au sein même du casting, l'association permet à ces jeunes de s’identifier aux personnages. Et, plus profondément, de comprendre que les héros de 1944 n’étaient pas uniquement des soldats aguerris. « Ils s'aperçoivent que ceux qui ont défendu la France, eh bien ce sont… des civils. » Cette prise de conscience fait écho aux tensions du monde contemporain.

« On continue toujours les mêmes histoires »

En évoquant les conflits actuels, notamment la guerre en Ukraine, Bertrand Vitu dresse un parallèle troublant avec le passé. « Tu vois bien que pour simplement prendre ce qui se passe entre la Russie et l'Ukraine, on continue toujours les mêmes histoires… » Les conflits se répètent, et les leçons de l’Histoire semblent s’effacer.

Dans ce contexte, le travail de mémoire prend une dimension supplémentaire : celle d’un rempart contre la reproduction des erreurs. En racontant la guerre, en montrant ses conséquences humaines, l’association espère éveiller les consciences, et inciter les jeunes à une réflexion sur leur rôle dans le monde de demain.

« Qu'est-ce qui ferait que vous… allez faire pour contribuer à créer une fraternité d’hommes sur la terre ? »

Bertrand Vitu ne se contente pas de transmettre le passé. Il interpelle. Avec un regard franc et une question simple mais lourde de sens, il lance un défi aux jeunes : « Qu'est-ce qui ferait que vous, dans votre génération… bien, vous allez faire pour contribuer à créer une fraternité d'homme sur la terre ? »

Cette vision peut sembler utopiste. Il le reconnaît volontiers. Mais, pour lui, l’utopie est une boussole, pas une illusion. « C’est utopiste peut-être, mais l’utopie, comme disait Thomas More, c’est ce qui n’est pas encore, mais ce à quoi je travaille pour que ça devienne ça. » L’Histoire devient alors un outil pour penser l’avenir, pour semer des idées de paix, d’unité et de responsabilité collective.

« C’est une belle histoire »

L’engagement de Provence 44 Productions dépasse le simple cadre patrimonial. Il s’agit d’une démarche éducative, citoyenne et profondément humaniste. À travers leurs films, les membres de l’association cherchent à transmettre bien plus qu’un récit de guerre : une vision du monde, ancrée dans la réalité du passé mais tournée vers l’avenir.

Et dans les mots de Bertrand Vitu, une forme de foi discrète en la capacité des jeunes à bâtir un monde meilleur. « C’est une belle histoire », conclut-il. Une histoire qu’il reste à écrire, ensemble.

DB+IA 07/05/2025