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Carnettiste passionnée et aquarelliste affirmée, Christelle Nicol explore le monde et son imaginaire au fil des pages de ses carnets de voyage. À Fréjus, elle partage une pratique artistique intime et sensible, entre pigments, paysages et émotions.
Dès les premières secondes de son témoignage, Christelle Nicol plante le décor : la peinture est pour elle une échappatoire. « On est dans un autre monde, un autre univers », confie-t-elle, avec la simplicité de celles pour qui l’art est à la fois un besoin vital et un plaisir quotidien.
Cette entrée dans un ailleurs, elle la trouve notamment dans l’aquarelle, sa technique de prédilection. Plus qu’un choix esthétique, il s’agit d’une affinité profonde avec les qualités de cette peinture à l’eau : la fluidité, la transparence, la légèreté. « J'adore avoir mes pinceaux dans les mains et m'amuser avec les pigments et l'eau », dit-elle. Ce jeu devient un langage, celui d’une artiste en quête de liberté et de résonance avec la nature.
Installée à Fréjus, dans le Var, Christelle Nicol se définit avant tout par son rapport au carnet. Le carnet de voyage, ou « carnet d’artiste », est un médium hybride entre le journal intime, le reportage illustré et l’œuvre d’art. C’est là que son identité artistique prend tout son sens : entre croquis, aquarelles, collages et annotations, elle construit une mémoire visuelle et sensible de ses expériences.
Mais derrière cette pratique singulière se cache une histoire personnelle de longue date. « Depuis toute petite, je dessinais », se souvient-elle. À l’école, elle gagne des concours de dessin. Pourtant, le parcours académique classique lui échappe : « Malheureusement, je n’ai pas pu faire une école de dessin. » Loin d’être un frein, cette absence de formation institutionnelle devient le terreau d’une expression libre et autodidacte.
Peindre n’est pas une activité parmi d’autres, c’est un état d’être. Et même si elle touche à d’autres techniques, comme le collage, c’est bien l’aquarelle qui domine dans son travail. Une technique délicate, exigeante, où le contrôle se mêle à l’accident. « Je joue avec l’eau et ça me ressemble », dit-elle. À travers cette formule, elle livre une clé précieuse pour comprendre son univers artistique : une recherche d’harmonie entre spontanéité et maîtrise, entre l’instant présent et la trace durable.
Le carnet devient un support de narration. Chaque page documente une étape, un détail, une émotion. Parmi ses réalisations, elle évoque un voyage au Maroc, entre Fès, Rabat, Meknès et Volubilis. Un itinéraire qu’elle transforme en œuvre visuelle, avec des dessins, des collages, quelques photos, et surtout beaucoup de soin.
Quand les photos sont interdites, comme au musée, elle sort son carnet : « J’ai fait des croquis et puis j’ai fait les photocopies, j’ai fait un petit livret. » Ce geste modeste illustre une démarche rigoureuse et affective. La contrainte devient opportunité. Et l’image fixe ne vaut que par l’œil de celle qui l’interprète, par le regard porté plus que par la fidélité documentaire.
Loin d’une vision puriste, Christelle Nicol n’hésite pas à mêler médias et techniques. Photos, collages, croquis : tout est bon pour servir le propos, raconter une ambiance, restituer une expérience. « J'aime bien mettre un peu de photo aussi », admet-elle, pragmatique. Ce syncrétisme, fréquent chez les carnettistes, souligne la dimension artisanale du carnet : un objet à la fois visuel, tactile et narratif.
Si le carnet donne un cadre à sa pratique, c’est l’aquarelle qui en constitue le cœur battant. Et ce n’est pas un hasard. Christelle évoque sa passion pour la nature, pour l’eau en particulier. « Je pense que j’adore la nature, j’adore l’eau », dit-elle simplement. La connexion avec l’élément aquatique semble presque organique. Les pigments dilués deviennent prolongement d’elle-même, matière à émotions.
À travers cette pratique, elle construit une œuvre fluide et personnelle, à l’image des paysages qu’elle affectionne : ouverts, lumineux, en mouvement.
Cette vocation précoce, nourrie d’un amour sincère pour le dessin et la création, s’est déployée en marge des cadres institutionnels. Sans formation académique, Christelle Nicol a tracé sa propre voie. Elle s’est forgée un regard, une méthode, un style. Ses carnets ne sont pas seulement des œuvres plastiques ; ce sont aussi des récits. Des fragments de vie recomposés en images et en couleurs.
Au fil de son parcours, elle a su construire une œuvre à échelle humaine, loin des grandes galeries, mais proche des gens. Ses carnets sont des objets intimes, presque confidentiels. « J’ai fait un petit livret », dit-elle, comme si ce geste artisanal résumait à lui seul toute sa démarche : raconter, partager, garder trace.
Dans une époque saturée d’images numériques et de contenus éphémères, ce retour au papier, au trait, à la main, prend une dimension particulière. Il évoque la lenteur, la contemplation, la mémoire.
Loin des projecteurs, Christelle Nicol incarne une forme de résistance douce. Une fidélité à une pratique personnelle et poétique, qui prend le temps, qui observe, qui écoute. À travers ses carnets, elle ne cherche pas à faire spectacle. Elle documente, elle rêve, elle se libère.
À Fréjus, elle peint comme on respire, avec gratitude et sincérité. Et dans chaque page de ses carnets, une part d’elle s’échappe, légère, aquarellée, précieuse.
DB+IA 15/05/2025