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Christine Clerc, la céramiste qui transforme la terre en lumière
Ancienne employée administrative, Christine Clerc a troqué les dossiers et les tableaux Excel pour l’argile et les émaux. À Vallauris, elle façonne des pièces uniques où se mêlent recherche artistique et plaisir de la rencontre.
Pendant de longues années, Christine Clerc a évolué dans l’univers structuré et codifié de l’administration. Ses journées étaient rythmées par les échéances, les procédures et la précision comptable.
Un environnement rassurant, mais qui ne la nourrissait pas pleinement. « Ça manquait un peu de créativité et j’avais vraiment besoin de ça. J’ai besoin de m’exprimer », explique-t-elle.
Ce manque d’expression personnelle, elle l’a ressenti de plus en plus intensément au fil du temps. La sensation d’être à l’étroit, de ne pas exploiter toutes ses capacités, s’est imposée comme une évidence. « Peut-être que la terre, avec les couleurs, c’était le chemin à prendre », ajoute-t-elle, comme si cette matière avait attendu patiemment de l’appeler.
Changer de vie professionnelle n’est jamais simple. Christine en est bien consciente. Mais sa transition vers la céramique n’a pas été un coup de tête : elle est le fruit d’une maturation. L’envie de travailler avec ses mains, de manipuler des matériaux bruts, est venue répondre à un besoin profond de liberté créative.
La terre, elle l’a apprivoisée peu à peu : apprendre les gestes, comprendre les réactions de la matière, accepter aussi ses imprévus. Dans la céramique, tout n’est pas contrôlable ; le feu, l’émail, les textures réservent toujours une part de surprise. C’est cette part d’inattendu qui, désormais, la stimule.
Aujourd’hui, Christine se définit pleinement comme céramiste. Un métier artisanal qui conjugue savoir-faire technique et sensibilité artistique. Dans son atelier, elle alterne entre la réflexion et l’action : esquisses, modelages, cuissons, finitions.
« C’est du travail, c’est de la recherche sur les formes, sur les couleurs. Un modèle peut prendre quelques temps à mettre au point », précise-t-elle.
Contrairement à d’autres créateurs qui reproduisent leurs modèles pour répondre à la demande, Christine revendique l’authenticité et l’unicité : « C’est souvent des pièces uniques. Je n’aime pas trop la répétition. » Chaque objet est ainsi porteur d’une histoire propre, née de ses expérimentations et de ses inspirations du moment.
Ses créations reflètent une diversité assumée. Christine navigue entre plusieurs techniques : pièces en terre brute, lanternes solaires qui diffusent une lumière douce, sculptures lumineuses aux formes organiques, vases réalisés selon la méthode japonaise du raku.
« Il y a plusieurs techniques en fait… Je m’éparpille un peu », dit-elle avec modestie. Mais cette dispersion apparente est en réalité un fil conducteur : une quête de formes nouvelles, une volonté de ne pas s’enfermer dans un style unique.
Le raku, avec ses craquelures et ses teintes imprévisibles, lui permet d’explorer la poésie de l’imperfection. Les lanternes solaires et sculptures lumineuses traduisent son goût pour l’alliance de l’art et de l’utilité : des objets beaux, mais aussi fonctionnels.
Derrière chaque pièce, il y a un long processus. Du façonnage initial au polissage final, en passant par les différentes cuissons, Christine travaille avec patience et minutie. « Un modèle peut prendre plusieurs jours, voire semaines, à être finalisé. On ne peut pas aller plus vite que la matière », souligne-t-elle.
Ce rythme lent, presque méditatif, contraste avec la rapidité du monde administratif qu’elle a quitté. Dans l’atelier, le temps s’écoule différemment : chaque geste compte, chaque étape influence le résultat final.
Si l’atelier est son cocon, Christine n’en reste pas moins tournée vers l’extérieur. Elle participe à des marchés, salons et expositions. « C’est un moyen d’exposer et de rencontrer des gens, d’échanger avec les autres potiers… On sort de son atelier, de la poussière. »
Ces moments de partage lui permettent de voir ses créations à travers les yeux du public, de recueillir des impressions, parfois des commandes personnalisées. Ils nourrissent également son réseau professionnel et ses amitiés dans le milieu des arts.
Le choix de s’installer à Vallauris n’est pas anodin. Cette ville des Alpes-Maritimes est connue dans le monde entier pour son héritage céramique, magnifié par Picasso dans les années 1950. L’histoire et la réputation du lieu constituent un terreau fertile pour les artisans.
Travailler ici, c’est s’inscrire dans une tradition tout en apportant sa touche personnelle. Christine en est consciente : la concurrence est forte, mais l’émulation artistique pousse à se dépasser. Les visiteurs, amateurs éclairés ou simples curieux, viennent à Vallauris précisément pour découvrir des pièces originales.
Christine puise ses idées dans tout ce qui l’entoure : la nature, les paysages, les jeux d’ombre et de lumière, les couleurs du Sud. Ses lanternes solaires rappellent parfois les percées de lumière entre les feuilles d’un arbre, tandis que certaines sculptures évoquent des formes marines.
Elle ne travaille pas avec un carnet de commandes strict, mais laisse ses envies guider sa production. « Je pars souvent d’une idée précise, puis la pièce évolue en cours de route, comme si elle avait sa propre volonté », confie-t-elle.
Être céramiste, c’est aussi affronter des contraintes : matériel coûteux, espace de travail adapté, risques liés aux cuissons ratées. Christine en a fait l’expérience : parfois, des heures de travail se brisent littéralement dans le four.
Mais la satisfaction de sortir une pièce réussie compense largement ces revers. Ce moment où l’on ouvre le four, où l’on découvre le résultat final, reste toujours chargé d’émotion.
Avec la céramique, Christine Clerc a trouvé bien plus qu’un métier : un mode de vie. Loin de la rigueur administrative, elle évolue dans un univers où la main dialogue avec la matière, où chaque création est un voyage.
Ses pièces, qu’elles soient lumineuses ou brutes, témoignent de ce besoin viscéral d’expression et de cette joie de créer. Vallauris lui offre un cadre propice, entre tradition et innovation.
En transformant la terre en lumière, Christine ne sculpte pas seulement des objets : elle façonne aussi une existence à son image, libre, créative et profondément humaine.
RS + IA
10 août 2025