Rejoignez la communauté TaVilleTaVie
Sous le soleil de Vallauris, la cour du musée Magnelli – Musée de la Céramique – accueille désormais une installation aussi discrète qu’engageante : une ombrière artisanale, imaginée et construite avec des enfants. Claire Loiseau, responsable du service des publics du musée Emmanuelli et coordinatrice de l’éducation artistique et culturelle pour la commune, la décrit ainsi : « C’est embryonnaire », comme pour souligner que ce projet en est à ses débuts mais porte une ambition forte.
L’idée : permettre aux jeunes, de 6 à 15 ans, de s’approprier leur environnement patrimonial. Une démarche soutenue par la DRAC, dans le cadre du programme national « C’est mon patrimoine ».
Ce dispositif place les enfants au cœur du processus créatif. « On avait envie d'amener les enfants de la commune à se projeter dans la cour du musée, à imaginer quelque chose qui pourrait venir embellir l'architecture », explique Claire Loiseau.
L’approche est sensible, ancrée dans le vécu : il ne s’agit pas d’enseigner le patrimoine, mais de le faire vivre, à hauteur d’enfant. Le musée n’est plus un lieu sacralisé, mais un terrain d’invention, à réinvestir collectivement.
Le projet a pris corps sous une forme simple et belle : une ombrière tressée, suspendue sur des arcs en acier fixés dans la cour du musée. Les enfants ont travaillé la matière – rotin, osier – pour créer une structure à la fois poétique et utile. « On a tressé une ombrière entière », raconte Claire Loiseau.
Le geste est artisanal, ancestral, mais sa réinterprétation est contemporaine. L’ombrière filtre la lumière, protège du soleil, et transforme l’espace.
Cette ombrière n’est pas éphémère. « On espère la garder pour au moins trois ans », précise Claire Loiseau. Le choix de matériaux biodégradables mais résistants accompagne cette ambition de durabilité douce. La structure évoluera avec le temps, marquera les saisons, sans perdre son sens.
C’est aussi une manière d’ancrer le projet dans la durée, au-delà des ateliers. De faire en sorte que les enfants puissent revenir, voir leur trace, constater qu’ils ont participé à transformer un lieu public.
Vallauris est mondialement connue pour sa céramique. C’est son identité. Mais ce projet a choisi de s’en éloigner, ou plutôt de la décentrer, pour explorer un autre savoir-faire : la vannerie.
« On avait envie de toucher cette fois une autre ressource », confie Claire Loiseau. Une ressource locale, plus discrète, mais tout aussi signifiante. En choisissant l’osier et le rotin, le projet rend hommage à une autre forme d’artisanat, plus végétal, plus éphémère peut-être, mais tout aussi riche de sens.
Ce détour par la vannerie n’est pas anecdotique. Il s’appuie sur un tissu associatif bien vivant. À Vallauris, l’association Lozère et du possible transmet depuis des années les techniques de tressage. Elle a été sollicitée pour accompagner les enfants dans la création de l’ombrière.
Ce partenariat est essentiel. Il inscrit le projet dans une chaîne de transmission intergénérationnelle. Il fait le lien entre les enfants, les artisans, les institutions culturelles. Il redonne du sens au mot « patrimoine ».
L’installation prend place dans la cour du musée. Ce choix est fort : c’est un lieu central, visible, traversé. Un lieu de passage transformé en lieu de création. L’ombrière ne se contente pas de fournir de l’ombre : elle dialogue avec l’architecture, elle l’habite.
Le patrimoine bâti n’est plus une façade distante, il devient un support actif. Une surface d’expression collective. Les enfants n’observent plus le musée : ils interagissent avec lui.
Le projet s’inscrit dans une logique pédagogique concrète. Pas de discours théorique : ici, on apprend en faisant. En touchant la matière. En tressant. En plantant des arceaux dans le sol. En travaillant ensemble.
Cette pédagogie par l’expérience permet une appropriation sensible du patrimoine. Elle engage le corps, l’esprit, les émotions. Et elle donne de la valeur à des compétences parfois peu reconnues : savoir tresser, assembler, imaginer à plusieurs.
Ce que coordonne Claire Loiseau dépasse largement l’installation d’une ombrière. Il s’agit d’un modèle d’action culturelle : ancrée localement, tournée vers la jeunesse, et profondément coopérative. Le dispositif « C’est mon patrimoine » trouve ici une traduction juste, vivante.
Ce modèle pourrait inspirer d’autres communes, d’autres musées. Car il ne s’agit pas seulement d’occuper les enfants pendant les vacances : il s’agit de les reconnecter à leur environnement, à leur histoire, à leurs gestes.
Trois ans. C’est le temps que devrait durer l’ombrière. Mais sa portée, elle, dépasse largement cette durée. Ce que les enfants ont créé ne s’effacera pas : ils auront changé un lieu. Ils auront laissé une trace.
Et peut-être, en passant dans cette cour ombragée, d’autres enfants lèveront les yeux. Peut-être poseront-ils des questions. Peut-être auront-ils envie de tresser à leur tour. C’est là que le patrimoine redevient vivant.
SDZ + IA