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Armée de son appareil photo, de ses carnets et d’un œil affûté, Danielle Holleville arpente les villages du parc naturel régional pour croquer ce que le temps efface et que les regards modernes ignorent. Retraitée de l’Éducation nationale, elle consacre aujourd’hui son énergie à documenter, avec passion et minutie, le patrimoine vernaculaire de sa région. Une démarche à la fois artistique et patrimoniale, nourrie par l’amour des pierres, des formes simples et des récits de campagne.
👉 Elle exposera ses carnets de dessin à l’occasion de l’exposition collective “Au fil des Pinceaux”, organisée par la section arts plastiques du club Les Violettes, du 13 au 26 octobre à l’Espace muséal de Tourrettes-sur-Loup. Le vernissage aura lieu le vendredi 17 octobre.
Ce rituel, Danielle Holleville l’a fait sien. À l’heure de la retraite, quand d’autres ralentissent, elle, elle marche. À la recherche non pas d’aventure ou de paysages spectaculaires, mais d’un patrimoine discret : le petit bâti rural, les détails d’une ferronnerie, une vieille enseigne, un escalier de pierre oublié.
Chaussée de ses souliers de randonnée, la retraitée sillonne les routes de campagne, appareil photo en bandoulière, souvent accompagnée de sa chienne. « Je vais dans les villages et je fais un reportage photographique », explique-t-elle simplement. Dans sa voiture, elle emporte l’essentiel : de quoi croquer, observer, prendre des notes. Son terrain de jeu : les villages du parc naturel régional, riches de leur histoire mais souvent délaissés par les circuits touristiques classiques.
Avant de se consacrer à cette exploration artistique du monde rural, Danielle a enseigné les arts plastiques pendant des années dans les collèges. Une carrière qui a formé son regard, aiguisé sa sensibilité aux formes, aux matières, à l’équilibre des volumes.
Aujourd’hui, cette expérience s’incarne dans des cahiers illustrés, à la fois œuvres d’art et témoignages ethnographiques. « Sur mon stand, on trouve des cahiers que j’ai dessinés sur tous les villages du parc... enfin, j’ai commencé, je les ai pas tous faits, mais quelques-uns », confie-t-elle avec humilité.
Ces carnets sont l’aboutissement d’un travail patient : repérage, photographie, dessin à la main. Chaque page retrace une portion de village, un fragment d’histoire, une atmosphère.
Son sujet de prédilection : le patrimoine vernaculaire, c’est-à-dire l’architecture locale du quotidien. « Tout le petit patrimoine ordinaire qu’on ne voit même plus quand on passe dans le village, mais qui a attiré mon regard », précise-t-elle.
Ce patrimoine du quotidien, souvent négligé, est pourtant révélateur de modes de vie, de savoir-faire anciens, de rapports au territoire. Un linteau sculpté, une fontaine de village, un escalier en pierre brute : autant d’indices d’un passé encore visible, mais fragile.
Danielle ne cherche pas le spectaculaire. Elle traque l’oublié, le modeste, l’authentique. Et c’est peut-être là que réside la force de sa démarche : dans cette attention portée à l’insignifiant.
Ce goût ne date pas d’hier. « J’aime beaucoup l’architecture, puisque j’en ai fait quand j’étais plus jeune », raconte-t-elle. La structure d’une maison, l’assemblage des matériaux, l’organisation d’une place de village... Tout cela nourrit son regard. Et derrière chaque dessin, il y a une analyse silencieuse, une compréhension intuitive des lieux.
L’architecture, pour elle, n’est pas qu’un objet esthétique. C’est aussi un langage, une manière d’habiter, un reflet de la culture locale. En la dessinant, elle la documente, mais elle la célèbre aussi.
Le contraste est clair. Là où la ville impose sa densité, son bruit et sa vitesse, le village offre à Danielle Holleville l’espace, le calme et la lenteur nécessaires à son travail. C’est dans les ruelles tranquilles, les jardins clos, les places désertes qu’elle trouve son inspiration.
Sa démarche s’inscrit dans une certaine écologie de l’attention : prendre le temps de voir, de regarder vraiment. Une forme de résistance discrète à l’accélération du monde.
Mais Danielle ne se contente pas de dessiner des murs. Elle s’intéresse aussi aux gens, aux histoires, aux usages. Parler avec les habitants, comprendre leurs traditions, capter leurs récits : autant d’éléments qui nourrissent son travail.
Chaque village est une énigme à résoudre, un patrimoine à interpréter. Et chaque rencontre est une clé. Son regard d’artiste se double d’un regard ethnographique, d’une curiosité sincère pour la vie locale.
La photographie est la première étape de son processus. Elle permet de fixer les détails, de revenir sur les lieux sans y être physiquement. De cette documentation naissent ensuite ses dessins, réalisés avec des stylos à encre de Chine, des « rotrings ».
L’encre noire, fine et précise, lui permet de restituer la texture des matériaux, la finesse d’un grillage, l’usure d’un mur. Le choix du noir et blanc n’est pas anodin : il renforce l’intemporalité de ses sujets, les sort du flux de l’actualité pour les inscrire dans une mémoire plus longue.
En dessinant le patrimoine vernaculaire, Danielle Holleville participe à une forme de sauvegarde. Son travail, sans être muséal, a une valeur documentaire forte. Il constitue une archive visuelle, sensible, de ce qui risque de disparaître.
Ce geste artistique est donc aussi un acte de mémoire. À travers ses carnets, elle transmet un regard, une émotion, une attention. Elle invite à ralentir, à observer, à redécouvrir les villages que l’on traverse trop souvent sans les voir.
Son projet est loin d’être terminé. « J’ai commencé à faire les villages... je les ai pas tous faits », dit-elle. Chaque sortie est l’occasion de découvrir un nouveau lieu, de s’approprier une nouvelle ambiance, de croquer un nouveau détail.
Danielle avance à son rythme, sans plan rigide. Ce qui compte, c’est la cohérence de sa démarche, sa fidélité à une méthode, à un regard. Son œuvre est en perpétuelle construction, à l’image de ces villages qu’elle dessine : vivants, évolutifs, habités.
Dans un monde où l’image domine, mais où le regard se perd, le travail de Danielle Holleville rappelle l’importance de voir. Vraiment. De s’arrêter, de s’émerveiller d’un détail, d’une pierre, d’un escalier. Et de comprendre que le patrimoine ne se limite pas aux monuments célèbres.
Son engagement discret, presque artisanal, résonne comme un appel à revaloriser ce que l’on croit sans valeur. À redonner de l’importance au quotidien. À retrouver une forme de lien avec les lieux.
Danielle Holleville ne prétend pas être une grande artiste ni une historienne. Mais elle est sans doute un peu des deux. Son travail est à la croisée des chemins : entre l’art et le documentaire, entre l’intime et le collectif, entre la promenade et la recherche.
En dessinant ce que les autres ne voient plus, elle redonne vie à un monde en voie d’effacement. Et elle nous rappelle, avec délicatesse, que regarder est déjà un acte de création.
SDZ + IA