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Scénariste et co-organisateur d’un festival dédié à l’intelligence artificielle, David Defendi défend une vision audacieuse du cinéma. À ses yeux, l’IA n’est pas une menace, mais une opportunité. Une chance pour libérer la création, ouvrir les portes d’un milieu encore trop fermé, et faire émerger de nouveaux talents.
David Defendi est direct. Pour lui, le débat autour de l’intelligence artificielle dans le monde de la création est trop souvent miné par la peur. « Il faut parler aux créateurs, aux artistes… et arrêter d’avoir peur de penser », affirme-t-il avec conviction. À ses yeux, il est temps d’arrêter de voir l’IA comme un danger et de commencer à l’envisager comme un partenaire créatif.
Cette peur de l’outil technologique, selon lui, freine l’innovation. « Il faut aider les artistes à s'emparer des outils d'IA pour pouvoir créer des œuvres d'art nouvelles. » L’IA ne doit pas être un carcan, mais un levier. Un moyen d’explorer des formes inédites, de repousser les limites de la narration, d’imaginer autrement.
Pour David Defendi, une chose ne changera jamais : le besoin fondamental de raconter. L’IA ne fait qu’enrichir cette dynamique, vieille comme l’humanité. « Depuis toujours, on raconte des histoires. Autour du feu, dans les livres, au cinéma… Aujourd’hui, on peut le faire avec de nouveaux outils, mais le fond reste le même : donner du sens à notre vie et au monde qui nous entoure. »
Ce qui change, ce sont les moyens. Pas le besoin. L’intelligence artificielle s’inscrit donc, selon lui, dans une logique historique de transformation des supports : après l’imprimerie et la caméra, elle devient un nouveau médium pour la fiction.
Ce festival qu’il co-organise est conçu comme un espace d’expérimentation. L’enjeu : faire dialoguer les techniciens de l’IA et les narrateurs du cinéma traditionnel. Deux cultures très différentes, qui ont pourtant beaucoup à apprendre l’une de l’autre.
« Les techniciens IA savent manipuler des outils incroyablement puissants. Les scénaristes et les cinéastes, eux, savent raconter des histoires longues, complexes, nuancées. » L’objectif est de créer des passerelles, d’unir les compétences techniques et artistiques pour inventer un nouveau langage visuel.
C’est aussi l’occasion de réfléchir à ce que signifie raconter une histoire à l’ère des vidéos courtes, des plateformes de streaming et de la consommation fragmentée. « Raconter sur 2 minutes ou sur 1h30, ce n’est pas le même métier. Mais l’un peut nourrir l’autre. »
En tant que scénariste, David Defendi sait à quel point l’écriture reste le cœur du cinéma. Mais il constate un manque : les outils numériques se sont développés pour le montage, la musique, la comptabilité… mais très peu pour le scénario. Pour combler ce vide, il a participé à la création d’un outil dédié.
« Toute l’industrie travaille avec des logiciels spécialisés. On a donc développé un outil pour aider à construire un scénario, comprendre les personnages, bâtir une tension dramatique. » Cet outil ne remplace pas l’auteur, il l’accompagne. Il rend plus fluide un processus souvent complexe et solitaire.
À terme, cette approche pourrait transformer en profondeur l’écriture audiovisuelle. Et offrir aux auteurs une meilleure compréhension de leurs propres récits.
Mais pour Defendi, l’intelligence artificielle est bien plus qu’un simple assistant de création. C’est aussi un outil d’apprentissage. Là où un logiciel ne fait qu’exécuter, une IA peut dialoguer, proposer, corriger, guider. « Ce n’est pas un outil au sens classique. Ce n’est pas un marteau. C’est un système capable de vous apprendre à faire un scénario. »
Il insiste sur cet aspect formateur, en particulier pour ceux qui n’ont pas accès aux écoles de cinéma ou aux réseaux professionnels. « Si vous venez d’une cité et que vous ne savez pas écrire, l’IA peut vous entraîner, vous accompagner, vous faire progresser. » Loin d’un gadget réservé à une élite, l’IA devient alors un moyen d’ouvrir le champ des possibles.
David Defendi défend une idée forte : le cinéma d’aujourd’hui est encore trop fermé, trop coûteux, trop codifié. Produire un film reste un parcours du combattant, souvent réservé à une minorité. Mais avec l’intelligence artificielle, les barrières commencent à tomber.
« Le milieu du cinéma est très fermé, car faire un film coûte très cher. Mais avec l’IA, on peut faire plus de films, avec moins de moyens. » Ce qui signifie : plus d’expérimentations, plus de prises de risque, plus de voix nouvelles.
C’est ce potentiel de démocratisation qui le passionne. Il imagine un cinéma plus souple, plus agile, où l’innovation est à portée de tous. « Il y aura l’émergence de nouveaux talents. Des artistes qui ne viennent pas du circuit classique, mais qui ont des choses à dire. »
Le débat autour de l’intelligence artificielle dans la création est clivant. À ceux qui s’y opposent fermement, David Defendi répond sans détour : « Qu’ils continuent à faire ce qu’ils font. Mais qu’ils arrêtent de nous emmerder. »
Pour lui, chacun doit pouvoir créer librement, selon ses affinités. Théâtre, opéra, roman… oui. Mais sans interdire aux autres d’explorer d’autres chemins. « Qu’ils nous laissent créer. Ce serait déjà très bien. » Il appelle à la coexistence des modèles, plutôt qu’au rejet.
Loin d’une vision dystopique, David Defendi propose une lecture optimiste et pragmatique de l’intelligence artificielle. Il ne nie pas les défis. Mais il voit surtout les opportunités. Il invite à dépasser la peur pour entrer dans l’action. Et à faire du cinéma un terrain de jeu et d’inclusion, où chaque voix a sa place.
Avec cette conviction au cœur : tant qu’il y a des histoires à raconter, il y aura toujours des cinéastes pour les porter.
DB+IA 14/04/2025