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Sculpteur burkinabè, Firmin Sanou façonne le bronze avec la rigueur de l’artisan et l’âme d’un passeur. À travers la technique ancestrale de la cire perdue, il transmet bien plus que des formes : une philosophie du geste et du partage.
Devant lui, une silhouette en bronze émerge doucement d’un socle. Les bras sont tendus, les jambes en mouvement, le tronc encore pris dans des “cheminées” de matière qu’il prévoit bientôt de couper. Ce danseur, Firmin Sanou l’a baptisé L’appel du geste. Et tout dans son travail semble répondre à cet appel.
Sanou est sculpteur, fondeur et pédagogue. Né au Burkina Faso, il a découvert sa vocation à l’âge de quatorze ans. Ce n’était pas dans une école d’art, mais dans la rue, en autodidacte. Puis, auprès d’artistes plus expérimentés, il a affiné son savoir-faire, au contact de la matière, du feu et du temps.
Son histoire commence loin des académies et des ateliers conventionnels. Pour Firmin Sanou, la rue a été un premier maître. “Je suis sculpteur”, affirme-t-il simplement, comme si le mot suffisait à dire toute une trajectoire. Dans un monde où la reconnaissance artistique passe souvent par les diplômes ou les galeries, il revendique un parcours de transmission directe, fondé sur l’expérience et l’observation.
Mais loin de garder ce savoir pour lui, l’artiste a choisi de le transmettre à son tour. Il anime aujourd’hui des ateliers d’initiation à la sculpture, où il fait découvrir notamment la technique de la cire perdue, un art traditionnel qui l’accompagne depuis ses débuts.
Sous ses mains, le métal prend vie. Il explique, gestes à l’appui, comment la cire devient bronze : “Elle vient d’être récupérée du moule en argile.” Avant cela, elle était un modelage de cire, elle-même façonnée dans l’argile. Chaque étape est un passage, une transformation.
La technique de la cire perdue, que Sanou pratique et enseigne, repose sur un savoir ancestral africain. Elle utilise des matériaux bruts : cire d’abeille, argile, crottin de cheval, charbon de bois, écorces et feuilles d’arbres. Rien de synthétique. Tout est issu de la nature. Et cette nature ne disparaît pas au terme du processus – elle reste présente dans la texture, la patine, l’esprit même de l’œuvre.
Le rapport que Sanou entretient avec la matière dépasse la simple technique. C’est une forme de respect. Chaque matériau a son rôle, sa place, sa mémoire. “C’est une source d’inspiration aussi”, dit-il, en évoquant ces éléments naturels. La terre, le feu, le végétal : tout est intégré, rien n’est rejeté.
Ses sculptures ne sont donc pas de simples objets décoratifs. Elles portent en elles un récit, une vibration, une filiation. Chaque œuvre devient une passerelle entre les générations, entre les cultures, entre l’artiste et le spectateur.
Pour Firmin Sanou, l’acte de création ne se suffit pas à lui-même. Il doit être partagé. Cette générosité est au cœur de son parcours. “Avec tout le monde, sans exception”, insiste-t-il. Ce besoin de transmission est indissociable de son art. Créer, oui, mais surtout transmettre : gestes, matières, émotions.
Dans ses ateliers, ce sont parfois les plus jeunes qui s’initient au bronze, parfois des adultes curieux, souvent des passionnés en quête de sens. Tous repartent avec bien plus qu’un objet : une compréhension nouvelle de la matière, une expérience sensorielle, un lien tissé avec une tradition.
Et lui, que reçoit-il en retour ? “Les émotions et tous les compliments”, dit-il avec un sourire discret. C’est ce qui le pousse à continuer. Le regard des autres, leurs réactions, leurs émerveillements deviennent pour lui des moteurs. Car chaque échange nourrit l’envie de créer encore, d’explorer, d’enseigner.
Il y a chez Firmin Sanou une sincérité désarmante, une humilité qui contraste avec la puissance de ses œuvres. Rien n’est figé dans sa pratique. Chaque sculpture est un geste prolongé. Chaque atelier, une conversation ouverte.
Loin des projecteurs, Firmin Sanou construit une œuvre patiente, enracinée et vivante. Son art s’inscrit dans une chaîne de savoirs où l’humain reste au centre. Il ne s’agit pas seulement de produire des formes, mais d’inviter à regarder autrement : le bronze, la nature, le geste.
L’appel du geste, ce n’est pas seulement le nom d’une sculpture. C’est une vocation. Un fil invisible qui relie l’artiste à son œuvre, l’œuvre au monde. Et tant que cet appel résonnera, Firmin Sanou continuera d’y répondre – une sculpture à la fois.
DB+IA 09/04/2025