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Mémoire vivante : un professeur fait revivre l’Histoire avec un casque du maquis
À Châteauneuf, Gérald Aufranc, professeur de physique-chimie, transmet la mémoire de la Seconde Guerre mondiale à travers une passion familiale et un casque hérité du maquis du Lomont. Un engagement personnel au service du devoir de mémoire.
Dès les premières secondes de l’entretien, Gérald Aufranc donne le ton : l’Histoire, pour lui, n’est pas un chapitre lointain mais un héritage intime. Le casque militaire qu’il arbore fièrement vient du maquis du Lomont, dans le Doubs. Un objet transmis par son grand-père, ancien résistant, et qui fut d’abord un simple jouet d’enfant avant de devenir un symbole de mémoire.
« Je jouais avec, enfant », confie-t-il. Cinquante ans plus tard, le voilà utilisé à d’autres fins, bien plus pédagogiques et symboliques.
Gérald Aufranc n’est pas historien. Il enseigne la physique-chimie. Mais son attachement à la transmission du passé s’enracine dans l’expérience familiale. Son grand-père, témoin des combats de la Libération dans le Doubs, lui a transmis un récit précieux : celui de l’arrivée des soldats américains dans leur village à l’automne 1944.
« Le 6 septembre, ils étaient aux portes de Belfort. Le front s’est stationné un mois et demi dans le village de mes grands-parents », explique-t-il. Pendant cette période, sa famille a hébergé des soldats américains. Des souvenirs qu’il porte aujourd’hui comme un legs, une mission.
Ce passé, Gérald Aufranc refuse qu’il tombe dans l’oubli. « Il n’y a pas d’autre solution que de leur expliquer », dit-il à propos des jeunes générations. Conscient de ne pas avoir « la même légitimité que [son] grand-père », il s’est pourtant investi pleinement dans cette transmission, convaincu que l’émotion et la pédagogie peuvent faire œuvre de mémoire.
Pour cela, il mobilise tout un arsenal de moyens : véhicules historiques, objets d’époque, reconstitutions. Un travail de terrain destiné à rendre l’Histoire vivante, tangible, concrète.
La pédagogie passe aussi par l’objet. Gérald Aufranc présente, par exemple, un pack board — un système de portage utilisé par les soldats américains pour transporter des charges lourdes. Une sorte de sac à dos technique, doté de sangles et d’étagères réglables, conçu pour ménager le dos des soldats.
Ce type d’équipement, souvent oublié dans les manuels, permet de plonger le public dans la réalité logistique du conflit. Il ne s’agit pas de faire du spectaculaire, mais d’incarner le quotidien des combattants.
Au fil de ses reconstitutions, Gérald Aufranc ne cesse de s’émerveiller du courage des soldats venus d’outre-Atlantique. Il insiste sur cette notion d’altruisme historique : « Se battre pour son pays, c’est concevable. Mais se battre pour libérer le pays de quelqu’un d’autre, c’est quand même quelque chose d’étonnant. »
Une admiration sincère qui nourrit sa vocation de passeur d’Histoire. Et qui interpelle : quelle mémoire voulons-nous préserver ? Quels récits transmettre ?
En tant que professeur de sciences, Gérald Aufranc est habitué à manier des concepts complexes. Mais il sait aussi que les émotions, les récits familiaux, les objets concrets touchent autrement. Sa démarche n’est pas celle d’un historien académique, mais celle d’un citoyen engagé, convaincu que la transmission passe par l’incarnation.
En revêtant le casque de son grand-père, il revêt aussi sa mémoire. Et en partageant cette histoire, il invite ses élèves, ses collègues et les visiteurs de ses reconstitutions à réfléchir à leur propre lien au passé.
un engagement de chaque instant
L’histoire de Gérald Aufranc illustre avec force comment la mémoire peut être transmise au-delà des mots : par les objets, les gestes, les émotions. Entre le souvenir d’un grand-père résistant et la vocation d’un enseignant passionné, se dessine une pédagogie de la mémoire, aussi vivante qu’essentielle.
À l’heure où les témoins directs disparaissent peu à peu, des passeurs comme lui deviennent indispensables. Pour que l’histoire ne soit pas seulement lue dans les livres, mais vécue, partagée et surtout, jamais oubliée.
DB+IA 13/05/2025