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Dans les champs en fleurs de Vallauris, chaque printemps est une course contre la montre. Durant un mois à peine, la fleur d’oranger livre ses trésors olfactifs, et pour Gianni Lipari, salarié du Nérolium, chaque geste compte. L’homme, au regard tranquille et au verbe précis, partage une connaissance fine d’un métier qui mêle patience, vigilance et savoir-faire artisanal.
Gianni ne cueille pas au hasard. Chaque fleur d’oranger est inspectée avec attention : elle doit être pleinement épanouie, dévoilant son cœur et son pistil. « Éviter la fleur qui est fermée », explique-t-il, car celle-ci n’a pas encore produit son huile essentielle. Le rendement serait nul.
Au Nérolium, coopérative emblématique du pays grassois, la récolte s’opère selon un calendrier millimétré. La cueillette commence le soir, les fleurs sont étalées pour éviter toute dégradation, puis remises en caisse dès l’aube pour partir chez le distillateur partenaire, Mul. Là, les fleurs livreront deux trésors : l’huile essentielle de néroli et l’hydrolat, que Gianni et ses collègues conservent précieusement.
La récolte du néroli ne laisse aucune place au répit. Pendant un mois, chaque jour compte. « Il faut tous les jours ramasser, tourner autour de l’arbre et tout autour », insiste Gianni. L’intensité de la floraison impose un rythme soutenu, où l’homme et la nature marchent de concert.
Et pas question de choisir selon des critères esthétiques : toutes les fleurs sont bonnes à prendre. Petites, grandes, légères ou lourdes — l’essentiel, c’est de préserver leur fraîcheur. Car une fleur tassée ou mal conservée se noircit, se dégrade, et compromet la qualité finale du produit.
Gianni connaît les risques. Il suffit de laisser une caisse de fleurs mal ventilée quelques heures pour que la récolte soit perdue. L’odeur tourne, l’apparence se détériore. Alors, chaque soir, les fleurs sont étalées avec soin pour préserver leur intégrité. Une opération délicate, mais indispensable.
La distillation elle-même est un autre moment clé. L’entreprise Mul extrait l’huile essentielle, précieuse matière première pour la parfumerie. Tandis que le néroli est conservé par le distillateur, le Nérolium garde l’hydrolat — cette eau florale utilisée autant en cosmétique qu’en cuisine.
Gianni sourit en évoquant les chiffres. À l’approche du pic de la saison, les volumes augmentent rapidement. Entre 300 et 600 kilos de fleurs sont récoltés chaque soir. Une masse impressionnante, mais fragile, qui exige un soin constant. Dans ce travail, l’humilité est de mise : face à la nature, on ne décide pas du tempo.
Deux ans que Gianni travaille au Nérolium. Et chaque jour, il redécouvre ce que signifie « vivre avec la fleur ». Une leçon de lenteur et de précision, loin des cadences industrielles.
DB+IA 08/05/2025