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C’est dans la lumière du sud, à Carros, que Gilles Charles exerce un métier ancestral : vitrailliste. Un artisan de la lumière et de la couleur, qui taille, assemble et donne vie à des œuvres de verre destinées à filtrer la lumière et à émerveiller le regard. Mais pour Gilles, le vitrail n’est pas qu’une technique : c’est une passion née d’un choc esthétique, presque amoureux.
Dès les premiers mots de son témoignage, le ton est donné. « Dès que j'ai coupé mon premier verre, ça a été un véritable coup de foudre », confie-t-il. Ce moment d’éveil, il le qualifie lui-même comme le point de départ d’un chemin de vie. Depuis, il n’a jamais quitté l’univers du vitrail.
Avec une simplicité désarmante, Gilles se présente : « Je m'appelle Gilles et je suis vitrailliste. Mon métier, c’est vitrailliste, voilà, que je pratique depuis de nombreuses années. » Le mot revient deux fois, comme pour mieux l’ancrer dans le réel, dans l’identité. Il ne s’agit pas ici d’un loisir ou d’une reconversion tardive, mais d’un métier à part entière, exercé avec rigueur et passion.
Installé à Carros, dans un lieu qu’il qualifie lui-même « d’extraordinaire », Gilles dispose d’un atelier en étage et d’un espace d’exposition permanent au rez-de-chaussée. Ce double espace lui permet de travailler, mais aussi de transmettre. Car l’un des pans essentiels de son activité consiste à initier d’autres personnes à son art.
La pédagogie de Gilles est précise. Il explique les étapes de la réalisation d’un vitrail comme on décrirait une chorégraphie minutieuse. « D’abord, on choisit un modèle. Ce modèle, on va l’agrandir deux fois : c’est ce qu’on appelle le carton. On fait deux cartons identiques. L’un va servir de plan, le deuxième, on va le découper par morceaux. »
Chaque pièce ainsi découpée devient alors une unité de travail. « Chaque morceau de ce carton va être reporté sur les couleurs qu’on aura choisies. On trace le carton sur le verre, et ensuite, il ne reste plus qu’à découper le verre. » Dans la bouche de Gilles, cette suite d’étapes prend une dimension presque méditative. Le geste se veut à la fois rigoureux et inspiré, chaque choix de couleur ou de ligne participant à une harmonie d’ensemble.
Le vitrail, dans son expression contemporaine, peut prendre plusieurs formes. Gilles travaille principalement deux techniques : le vitrail au plomb et le vitrail dit « Tiffany ». La différence ? « Ce sont les jonctions qui sont différentes », explique-t-il.
Le vitrail au plomb est la méthode traditionnelle, celle que l’on retrouve dans les cathédrales et les églises. Les pièces de verre y sont maintenues par des baguettes de plomb soudées entre elles. La méthode Tiffany, popularisée au début du XXe siècle, utilise quant à elle des rubans de cuivre adhésifs, soudés à l’étain. Plus souple, elle permet des formes plus complexes et plus fines, adaptées à un usage décoratif contemporain.
Mais Gilles ne se contente pas de créer des œuvres. Il transmet. Dans son atelier de Carros, il propose des stages d’initiation, accessibles à toutes et tous. « Généralement, le stage d’initiation, c’est sur deux jours. On fait un petit vitrail de format A4, par exemple. »
Le format modeste permet d’aller au bout du processus, du dessin à la soudure. Et si l’élève souhaite aller plus loin ? « Si la personne veut quelque chose de particulier, un peu plus grand, alors à ce moment-là, c’est sur trois, quatre jours ou même plus, ça dépend de la grandeur. » L’approche est flexible, humaine, adaptée au rythme de chacun.
Dans les mots de Gilles, on sent à la fois le respect des traditions et l’ouverture à la modernité. Le vitrail n’est plus réservé aux lieux de culte : il investit désormais les intérieurs privés, les lieux publics, les ateliers d’art. Son rôle décoratif se double d’une fonction symbolique : celle de jouer avec la lumière, de filtrer le réel, d’en révéler d’autres facettes.
L’atelier de Carros est à l’image de cette hybridation : un espace à la fois patrimonial et vivant, où l’on peut admirer des pièces terminées, mais aussi assister à la genèse d’un projet, voir les outils, toucher les matières.
Gilles évoque aussi une certaine itinérance dans son travail : « Chaque année, c’est un endroit différent. » Si son ancrage actuel est Carros, il n’a pas toujours exercé au même endroit. Cette mobilité témoigne d’une adaptabilité, mais aussi d’une curiosité. Aller là où la lumière appelle, là où les projets naissent, là où les rencontres se font.
Ce rapport au lieu, au contexte, est essentiel dans l’art du vitrail. Chaque pièce doit s’inscrire dans une architecture, dans une lumière particulière. Il ne s’agit pas seulement de créer un objet, mais de l’inscrire dans un dialogue avec son environnement.
L’engagement de Gilles dans la transmission de son savoir ne relève pas seulement d’une envie pédagogique : il s’agit aussi de préserver un métier rare, de susciter des vocations, de rendre le vitrail vivant dans les générations futures. En initiant des amateurs, il forme peut-être les professionnels de demain.
Mais il y a aussi autre chose : la joie simple de faire découvrir. Le regard émerveillé de celui ou celle qui voit apparaître, sous ses mains, une œuvre de lumière. Gilles offre cet émerveillement. Il en est le guide discret, bienveillant.
À travers son témoignage, Gilles Charles nous rappelle que les métiers d’art sont avant tout des métiers de passion. Le vitrail, loin d’être une technique figée, est une matière vivante, un langage de couleurs et de lumière. Gilles en est l’un des traducteurs.
Dans un monde souvent pressé, son travail invite à la lenteur, à la précision, à l’attention portée au détail. Il montre que l’artisanat n’est pas seulement un héritage du passé, mais une voie d’avenir, pour peu qu’on lui donne les moyens de s’exprimer et de se transmettre.
Et dans son atelier de Carros, ce futur est déjà en train de s’inventer — un verre à la fois.
SDZ + IA