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Grasse, 11 juillet 2025. Ils étaient 150 à répondre présent à l’appel de l’« Instant Lavande » : eurodéputés, maires européens, producteurs, industriels, syndicats et élus locaux. Pour la première fois, tous réunis autour d’un même enjeu : défendre la lavande et plus largement, la filière des plantes à parfum face aux mutations réglementaires européennes.
L’événement, organisé à l’initiative de Jérôme Viaud, maire de Grasse et fondateur du Club Européen des Maires des Villes de la Parfumerie, coïncidait avec deux actualités majeures : la fin des négociations entre l’UE et les États-Unis sur les droits de douane, et la présentation du plan d’action pour l’industrie chimique par la Commission européenne.
Dans un discours qui a ouvert la rencontre, Jérôme Viaud a posé les bases d’une mobilisation transversale :
« Aujourd’hui, nous rassemblons à Grasse 150 personnes […], autour d’un sujet qui nous occupe et nous préoccupe. »
La réforme du règlement REACH, pierre angulaire de la législation européenne sur les substances chimiques, inquiète les professionnels de la filière. Ses critères stricts, pensés pour protéger la santé et l’environnement, pourraient marginaliser les extraits naturels, comme les huiles essentielles de lavande, en les assimilant à des substances chimiques dangereuses.
La lavande, au-delà de sa dimension symbolique, est un pilier économique et culturel de nombreux territoires du sud de l’Europe. À Grasse, c’est toute une économie de la naturalité qui se sent menacée.
« C’est la question réglementaire au Parlement européen pour défendre le positionnement de nos territoires qui veut protéger, développer la naturalité. »
Sous cette bannière, l’Instant Lavande a offert un espace d’échange rare, où élus, agriculteurs, industriels et institutions ont confronté leurs visions. Car il ne s’agit plus simplement de préserver une tradition, mais de structurer une réponse politique à l’échelle européenne.
La création du Club Européen des Maires des Villes de la Parfumerie, initiée lors de la précédente révision de REACH, prend ici tout son sens. Le Club se veut un outil politique, capable d’agir auprès des instances bruxelloises.
« Beaucoup de maires se sont dits : il ne faut pas juste s’indigner, il faut passer aux actes, il faut s’organiser. »
Ce sursaut collectif, enraciné dans les territoires, revendique une voix au chapitre dans l’élaboration des normes européennes. Pour ces élus, il s’agit de ne plus subir, mais d’influer sur les textes en cours de rédaction.
Loin d’une simple réunion de soutien, l’Instant Lavande s’est affirmé comme le point de départ d’un mouvement politique structuré. La mobilisation des élus locaux, adossée à l’expertise des filières, cherche à établir un rapport de force face aux décisions technocratiques perçues comme déconnectées des réalités du terrain.
« Aujourd’hui, c’est l’organisation d’une démarche de combat que nous voulons porter, incarner. »
Le terme n’est pas anodin. Le combat évoqué dépasse la lavande : il touche à la place du vivant, du terroir, et de l’humain dans l’économie européenne.
Le caractère transfrontalier de cette mobilisation constitue un levier décisif. Le Club, porté par Grasse mais fédérant des villes de toute l’Europe, entend faire pression sur la Commission et le Parlement pour une reconnaissance pleine et entière des spécificités des produits naturels.
« On a créé ici à Grasse un groupe qui rassemble tous les maires de l’Europe […], pour porter la voix de ces territoires. »
Une stratégie d’influence qui s’aligne avec les nouvelles dynamiques de représentation européenne : la voix des territoires, longtemps reléguée au second plan, cherche à se faire entendre aux côtés des grands lobbies industriels.
Le moment n’est pas anodin. Alors que des annonces sont attendues dans les prochaines semaines sur le futur cadre du règlement REACH, les participants de l’Instant Lavande veulent peser dans le débat. Leur crainte : que la réglementation, en uniformisant les standards, gomme les différences entre substances synthétiques et extraits naturels.
Pour les défenseurs de la lavande, la logique doit être inversée. Ils demandent que les produits naturels soient reconnus comme tels, avec une évaluation spécifique qui prenne en compte leur usage traditionnel et leur faible dangerosité prouvée.
Au-delà des discours, l’événement a donné lieu à une convergence réelle entre institutions, filières, élus et acteurs de terrain. Une alliance qui, si elle perdure, pourrait durablement influencer la politique européenne en matière de biodiversité, d’agriculture et d’industrie.
Grasse, en s’imposant comme épicentre de cette mobilisation, renoue avec son rôle historique de capitale mondiale du parfum — mais cette fois, au service d’un combat politique pour la reconnaissance des savoir-faire et la préservation du vivant.
Le message est clair : la filière des plantes à parfum ne restera pas silencieuse. L’Instant Lavande a marqué un tournant. Il faudra désormais compter avec elle dans les débats européens.
À travers cette initiative, Grasse envoie un signal fort à Bruxelles. Elle rappelle que les règlements ne doivent pas écraser les identités territoriales, mais les intégrer dans une vision durable et cohérente de l’Europe.
BP + IA
17 juillet 2025