Rejoignez la communauté TaVilleTaVie
Dans la commune du Bar-sur-Loup, Gwenaël, artiste plasticienne et professeure de design, explore l’âme végétale à travers des portraits d’arbres. Une démarche artistique nourrie de contemplation, de science et d’émotion.
Au cœur des montagnes du Bar-sur-Loup, une série d'œuvres interroge le regard. Ce sont des portraits, mais pas de visages humains. Des oliviers, des figuiers, des arbres enracinés depuis des décennies, parfois des siècles. Pour Gwenaël, il s'agit d'un travail de mémoire autant que de création. « Je voulais leur rendre hommage », explique-t-elle dès les premières secondes de son entretien. « Ces êtres qui semblent passifs ont une vie riche, une communication entre eux. »
Inspirée par l’ouvrage La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, elle a plongé dans les mystères des réseaux souterrains, de la communication silencieuse entre les végétaux. Ses tableaux tentent de capturer cette réalité invisible : « Il y a aussi l'idée de réseau invisible, de voir ce qui est caché derrière », dit-elle, comme pour inciter à regarder au-delà des apparences.
L’approche de Gwenaël se rapproche presque du portrait classique. Elle peint face à l’arbre, dans une posture de contemplation, tentant de ressentir son énergie. « On ressent l'énergie du modèle et puis on essaie de la retranscrire dans la peinture », décrit-elle. L’artiste ne cherche pas une reproduction botanique fidèle, mais une présence, une essence.
Chaque toile devient ainsi un hommage singulier à un arbre particulier, comme une rencontre intime. « C’est un peu comme des portraits d’humains, mais c’est des arbres », résume-t-elle dans une formule limpide, presque poétique.
Gwenaël mène une double vie professionnelle. Enseignante en design, elle pratique également les arts plastiques avec constance. Un équilibre entre transmission et expression personnelle. « Je dessine depuis l'enfance à vrai dire », confie-t-elle. Le dessin est pour elle une activité « quotidienne », un geste naturel, presque vital. Lorsqu’elle part en voyage ou en randonnée, son carnet n’est jamais bien loin.
Cette régularité dans la pratique se reflète dans la qualité et la sensibilité de ses œuvres. Son parcours en design nourrit aussi son approche esthétique, apportant rigueur et clarté à son travail artistique. Les formes qu’elle compose sont simples, souvent centrées, dépouillées d’artifices, pour laisser place à la présence pure de l’arbre.
La recherche de Gwenaël dépasse le visible. Elle interroge la notion de perception, de silence, de lien. Les arbres deviennent des figures symboliques, incarnant à la fois la force tranquille, la mémoire, et la fragilité face aux bouleversements environnementaux.
Cette quête, presque spirituelle, s’ancre aussi dans une réalité très concrète : les paysages qui l’entourent, dans cette région des Alpes-Maritimes riche en biodiversité. Elle peint ce qu’elle voit, ce qu’elle ressent, ce qu’elle devine. Son atelier, niché dans la commune du Bar-sur-Loup, devient un observatoire du vivant, un lieu de dialogue entre l’humain et la nature.
Le travail de Gwenaël rappelle que les arbres ne sont pas seuls. Ils parlent, s’alertent, se soutiennent, comme le montrent les découvertes récentes en biologie végétale. « Ces arbres qui communiquent entre eux », répète-t-elle, fascinée. Cette idée d’un langage végétal, imperceptible à l’œil nu, traverse toute son œuvre. Les toiles deviennent des tentatives de traduction, des ponts entre deux mondes.
En s'attachant à l'individu arbre — le figuier, l'olivier, le pin — elle refuse l’anonymat du décor. Chaque végétal devient sujet, presque personnage. Une démarche à contre-courant, à une époque où la vitesse et l’image rapide dominent. Ici, tout est lenteur, observation, respiration.
Le rapport au corps, à la marche, au paysage, irrigue aussi le travail de l’artiste. Le dessin n’est pas cantonné à l’atelier. Il accompagne les pas, les rencontres, les moments de pause. « Quand je pars en randonnée, je suis toujours en train de dessiner », confie-t-elle. Il ne s'agit pas seulement de croquer un paysage, mais de tisser un lien, de prendre le temps de voir.
Ce lien sensoriel avec le terrain se ressent dans ses œuvres. On y devine les aspérités de l’écorce, la lumière filtrée par les feuilles, les masses végétales qui s’imposent avec douceur. À travers ses pinceaux, Gwenaël ne cherche pas à dire, mais à faire ressentir. Une œuvre de patience, de présence, d’humilité.
La force de l’arbre, c’est son ancrage. Sa fragilité, c’est sa dépendance au vivant. Gwenaël capte ces deux polarités dans son art. À l’heure où les forêts brûlent, où les espèces disparaissent, où les cycles naturels sont perturbés, ses portraits prennent une dimension militante, presque testamentaire.
Sans discours ni slogans, ses peintures racontent pourtant un monde en danger. En rendant hommage à ces géants silencieux, elle appelle aussi à leur protection. Une œuvre nécessaire, enracinée dans le sensible, le respect, et la beauté.
Si vous passez par le Bar-sur-Loup, ouvrez l’œil. Derrière les feuillages, il y a peut-être un portrait en train de naître. Sous les traits délicats de Gwenaël, l’arbre n’est plus seulement décor, mais sujet. Et peut-être, un jour, mémoire.
BP + IA
20 mai 2025