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Jaim Chertkow ne parle pas de son travail comme d’un simple commerce. Pour lui, tout part d’un amour ancien pour les objets, les ambiances, les histoires que racontent les matières. Il est tombé dans la brocante très jeune, et cette passion ne l’a jamais quitté. Elle est le moteur de son activité, la colonne vertébrale de son quotidien.
Son espace — 500 m² consacrés aux professionnels et aux curieux — s’ancre dans un quartier qu’il décrit comme « culturellement très intéressant ». Il y trouve sa place avec naturel, dans ce va-et-vient constant de visiteurs, de groupes qui « arrivent pour regarder, pour voir », mus par la curiosité autant que par la surprise.
Dans sa boutique, on trouve « beaucoup d’antiquités », mais pas seulement. C’est un véritable cabinet de curiosités. Les objets qu’il sélectionne et expose doivent d’abord lui parler, l’inspirer. La fonction décorative compte, mais c’est surtout l’insolite, l’humour, la couleur et la différence qui guident ses choix.
Il revendique un style personnel, un goût assumé pour les pièces inattendues, parfois kitsch, mais toujours porteuses d’une histoire ou d’une singularité. Ce qu’il cherche ? Surprendre, créer une émotion, provoquer un sourire. Et cela semble fonctionner : « Il y a un succès aussi pour les gens qui arrivent parce qu’ils sont étonnés de voir des choses complètement différentes. »
Sous les allures artistiques, Jaim n’oublie pas la réalité commerciale. Il gère avant tout une boutique, où les objets doivent trouver preneurs. Pourtant, il y met une touche personnelle qui dépasse le simple acte de vente.
Il parle de « revisiter » les objets : ici, un mannequin orné de fleurs, là une vieux phonographe retravaillé. C’est cette part de création qui distingue son travail. Rien n’est figé. L’objet initial devient matière à invention. Cette liberté de recomposition est centrale dans sa démarche.
La source de ses trouvailles ? Les débarras. C’est là que tout commence. Jaim possède sa propre société. Il intervient dans des appartements, des maisons, et repère, dans le chaos des choses délaissées, ce qui mérite une nouvelle chance.
C’est un travail de terrain, où chaque mission devient une chasse au trésor. Il s’agit de flairer l’exceptionnel dans l’ordinaire, de sentir le potentiel d’un objet là où d’autres n’y voient qu’encombrement.
Jaim revendique une approche très personnelle. Son goût, il l’assume. Il compose ses mises en scène à l’instinct, selon son humeur, ses envies, son regard. Il se laisse guider par l’imagination, sans suivre de règles fixes.
Chaque objet, chaque pièce, chaque mise en vitrine devient un acte créatif. Il ne cherche pas à plaire à tout le monde. Il propose un univers, le sien, et laisse les visiteurs y entrer s’ils le souhaitent.
Il n’est pas insensible à la vie du quartier dans lequel il évolue. Les événements, les marchés nocturnes notamment, sont à ses yeux une manière de « réanimer » la zone. Il y voit une opportunité de créer du lien, de faire venir du monde, d’insuffler une nouvelle dynamique aux rues alentour.
« Il manque des événements ici », déplore-t-il. Pourtant, lorsque les choses se mettent en place, il se réjouit de voir les effets directs : des groupes, de la vie, des échanges, et peut-être même, de nouvelles ventes.
Le terme est révélateur. Jaim ne se définit pas strictement comme un commerçant. S’il vend, il crée aussi. Il sélectionne, il transforme. Sa boutique est une galerie artisanale autant qu’un magasin d’antiquités.
Et il n’est pas seul dans cette entreprise. Il travaille avec une artiste anglaise, très douée selon ses mots, qui participe activement à la transformation des objets. « C’est elle qui fait tout ce qu’on a dit, réalisé », explique-t-il. Ensemble, ils détournent, décorent, redonnent vie.
C’est le cœur de leur démarche : redonner de la valeur à ce qui semblait en avoir perdu. Par un cadre, une touche de peinture, un assemblage inattendu, l’objet se métamorphose. Il devient œuvre. Il prend un nouveau sens.
Certains meubles, certaines œuvres, sont exposés en boutique, mais une grande partie du travail se fait à l’atelier. Là-bas, dans ce qu’il décrit comme « le bordel », les transformations prennent vie. Les cadres deviennent sculptures, les livres des tableaux, les objets usuels des pièces uniques.
C’est peut-être là le résumé le plus juste de son métier. Chercher la perle rare. Qu’elle soit dans un grenier poussiéreux, un coin de marché, ou dans l’inspiration du moment. Jaim ne se contente pas de recycler, il révèle.
Son travail est une alchimie : entre la matière brute et l’esthétique, entre le passé des objets et leur futur dans une nouvelle maison. Il ne fait pas que vendre des antiquités, il transmet une vision du monde. Celle d’un homme qui croit à la beauté des choses imparfaites, à l’émotion d’un détail, à la puissance des souvenirs.
Le portrait de Jaim Chertkow révèle bien plus qu’un antiquaire. C’est un artisan du regard, un passionné de l’objet, un conteur silencieux qui transforme les rebuts du passé en trésors du présent. Sa boutique est un lieu de vie, de création, de partage. On y entre comme on entre dans un théâtre, curieux de ce que la scène va révéler. Et l’on en ressort, souvent, avec un objet en main, mais toujours avec une étincelle en plus.
RS + IA
22 août 2025