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Le Repair Café, ou l’art de réparer pour recréer du lien
À Vallauris Golfe-Juan, un samedi par mois, une poignée de bénévoles s’active à donner une seconde vie aux objets du quotidien. Dans une salle municipale transformée en atelier solidaire, Jean-Pierre Arnédodo et son équipe prouvent que la réparation gratuite peut être un levier puissant pour retisser du lien social et défendre une approche écoresponsable de la consommation.
Pour Jean-Pierre Arnédodo, l’un des visages du Repair Café de Golfe-Juan, l’enjeu dépasse largement la simple remise en état d’un aspirateur ou d’un grille-pain. « Le but, c’est de créer du lien social en réparant des machines qui seraient obsolètes », explique-t-il d’entrée. À ses yeux, ces moments de réparation partagée permettent d’améliorer et de prolonger la vie des objets, mais aussi d’encourager les rencontres.
Le Repair Café se veut un espace chaleureux où l’on vient avec ses objets cassés, mais aussi avec sa curiosité, ses souvenirs et parfois même un peu de nostalgie. C’est tout un écosystème de solidarité qui se déploie à travers un geste simple : réparer ensemble.
Jean-Pierre n’est pas un professionnel de la réparation, mais un passionné de mécanique, plus attiré par les bolides que par les bouilloires. Pourtant, il consacre une partie de son temps à aider les autres à remettre sur pied leurs petits appareils électroménagers. Son expertise est mise au service de la communauté dans une démarche totalement bénévole. C’est cette diversité de parcours et de motivations qui fait la richesse du Repair Café.
À chaque session, ce sont les objets du quotidien qui refont surface sur les établis improvisés : grille-pains, fers à repasser, ventilateurs et bien sûr, la très fréquente machine à café. Ces appareils, souvent mis au rebut pour un simple dysfonctionnement, retrouvent une seconde vie entre les mains des bénévoles.
Mais le choix de ces objets n’est pas anodin. Il s’agit généralement de petits appareils électroménagers facilement transportables. Ce critère logistique favorise une participation plus large, chacun pouvant venir avec son appareil sous le bras sans contrainte.
Le taux de réussite est impressionnant. Plus de la moitié des objets amenés trouvent une solution immédiate, tandis que pour d’autres, une commande de pièces est nécessaire. « La différence de 20 %, c’est quand on dit aux gens qu’il faut qu’ils commandent des pièces », précise Jean-Pierre.
Les visiteurs reviennent parfois plusieurs semaines plus tard avec les composants nécessaires, prolongeant ainsi la vie de leur objet tout en s’inscrivant dans une logique de consommation plus lente, plus respectueuse.
La gratuité est un fondement du Repair Café. « Les réparations sont gratuites, on fait du bénévolat », souligne Jean-Pierre. Cette absence d’échange monétaire permet de maintenir l’esprit du projet : un espace ouvert, solidaire, où l’on vient sans contrainte de moyens.
Mais au-delà du service rendu, c’est bien l’ambiance qui fait la particularité du lieu. Les rires, les discussions autour d’un tournevis ou d’un fer à souder, les cafés partagés… « Il faut que ça reste un moment convivial, que les gens participent et soient contents de participer », insiste-t-il.
Derrière chaque réparation se cache une volonté affirmée : refuser le gaspillage. Jean-Pierre observe que la majorité des visiteurs ne viennent pas pour des raisons financières, mais par attachement à leurs objets ou par souci de durabilité. « Il y a des gens qui viennent avec des aspirateurs qui ont dix ans, mais ils y sont attachés », raconte-t-il. Une pièce à 10 euros peut ainsi devenir l’élément décisif pour sauver un objet aimé.
Cette démarche s’inscrit dans une conscience écologique croissante, où la réparation devient un acte militant, un refus de l’obsolescence programmée.
Le Repair Café, c’est aussi une école informelle. On y vient pour faire réparer, mais parfois aussi pour apprendre à réparer. « On a des gens qui sont juste des bricoleurs qui veulent apprendre », explique Jean-Pierre. Ces amateurs curieux croisent la route de bénévoles plus expérimentés, souvent calés en informatique ou en électricité. Une transmission de savoirs se met alors en place, dans un esprit d’échange et d’entraide.
L’initiative ne se limite pas à un seul lieu. Si les Repair Cafés se tiennent le quatrième samedi du mois dans une salle mise à disposition par la mairie, l’équipe se déplace également tous les deux mois jusqu’au vieux port de Golfe-Juan. Un moyen d’aller au-devant des habitants, de toucher un autre public, de semer les graines du réemploi dans de nouveaux quartiers.
Le Repair Café de Golfe-Juan n’est pas seulement un atelier de réparation. C’est un projet de société à petite échelle. Il parle de lien, de résilience, de respect des objets et des gens. Derrière chaque tournevis se cache une histoire, derrière chaque panne, une opportunité de rencontre.
Dans un monde saturé d’objets jetables, l’acte de réparer devient un geste presque subversif. Un geste qui rassemble, qui éduque, qui transforme. Jean-Pierre Arnédodo et ses compagnons en sont la preuve vivante : réparer, c’est résister. Ensemble.
BP + IA
25 mars 2025