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« Une vie de laine » : Jean-Pierre, ancien tondeur, fait revivre un savoir oublié à la Fête de la Transhumance
À l’occasion de la Fête de la Transhumance à Saint-Vallier, Jean-Pierre de la Monteneri, ancien tondeur passionné, partage cinquante ans de vie aux côtés des brebis. Son témoignage sensible dévoile un métier méconnu, un lien profond avec l’animal et une vision du monde en voie de disparition.
Au milieu des animations et des troupeaux qui traversent la ville pour célébrer la transhumance, un homme attire l’attention. Jean-Pierre de la Monteneri ne parle pas fort, mais ses mots portent. « Ma passion, ça a été tondeur pendant 50 ans ». Cela fait cinq ans qu’il a raccroché ses cisailles, mais la passion ne l’a jamais quitté.
Toujours entouré de brebis — « j’ai toujours des brebis à moi » —, il évoque une relation de confiance et de respect. « Il ne faut jamais prendre des animaux par la force. Votre corps, votre poids contrebalance le poids de la brebis. » Pas de brutalité, mais de l’équilibre. Une danse silencieuse entre l’homme et l’animal.
C’est à l’occasion de cette fête, où bergers, éleveurs et curieux se rassemblent pour accompagner les troupeaux vers les alpages, que Jean-Pierre accepte de revenir sur son parcours. Un parcours fait de hasards heureux. « Ça a été un concours de circonstances. Comme beaucoup de choses dans la vie. Le bonheur des bonnes rencontres. »
Il parle d’un monde rural où la transmission se fait à l’oral, dans les gestes, au fil des saisons. Tomber dans la laine, comme il dit, c’est se laisser envelopper par une matière et une culture. « Une fois qu’on est tombé dans la laine… on y reste, on flotte tranquille. »
Pour Jean-Pierre, tondre ne se limite pas à une pratique agricole. C’est un héritage. Il rappelle que « la bête, l’homme l’a sélectionnée pour la laine quand il n’y avait pas la fibre », et que cette matière naturelle a été un moteur essentiel de l’histoire humaine. « C’est la laine qui a permis à l’homme de s’habituer à la glaciation », lance-t-il, comme une vérité oubliée.
Alors que la Fête de la Transhumance célèbre la continuité des traditions pastorales, Jean-Pierre incarne la mémoire vivante de ces pratiques anciennes. Il rappelle que la laine n’était pas un déchet, mais une ressource fondamentale, un vêtement, une couverture, un outil de survie.
Et pourtant, le présent est plus amer. Face à la concurrence des fibres synthétiques, la laine a perdu de sa valeur marchande. Jean-Pierre confesse, un peu désabusé : « J’ai un stock de laine de cinq ans chez moi que je n’arriverai jamais à vendre. »
Malgré cette désillusion, il reste fidèle à ses convictions. Il dort toujours « sur un matelas en laine » et privilégie les habits faits de cette fibre noble. À la Fête de la Transhumance, où l’on célèbre le lien entre l’homme et la montagne, ses mots prennent une résonance particulière : ils rappellent que le progrès ne doit pas tout effacer.
Dans ses mains, dans sa voix, on lit les années passées à tondre au printemps, à suivre les saisons, à dialoguer avec les bêtes. Jean-Pierre évoque sans pathos une vie rude mais choisie. « Ce métier vous façonne. Il vous apprend la patience, l’humilité, la précision. » Son témoignage attire les jeunes venus découvrir les métiers d’autrefois. Certains écoutent en silence, d’autres posent des questions, fascinés par cette existence si éloignée de la leur.
Conclusion :
À Saint-Vallier, lors de cette Fête de la Transhumance, Jean-Pierre de la Monteneri ne tond plus, mais il transmet. À sa manière, il perpétue un savoir en danger, une mémoire ancrée dans la laine, dans le vivant, dans le geste. Son récit, loin de la nostalgie, est une invitation à regarder autrement les métiers oubliés. Car derrière la tonte, il y a une philosophie, une manière d’être au monde, et peut-être, une forme de sagesse.
SDZ + IA