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C’est une histoire qui commence par une faute d’enfant. José Maria, collectionneur niçois aujourd’hui reconnu, avoue avec un sourire contrit que sa passion trouve peut-être racine dans un traumatisme d’enfance.
« Quand j’étais tout petit, j’avais été malade et gardé par ma grand-mère. J’avais abîmé sa collection de cartes postales de mon grand-père, mort à la guerre de 14, en découpant comme un imbécile les timbres. »
Cette maladresse, qui a détruit des souvenirs familiaux précieux, aurait pu être oubliée. Mais elle a germé dans l’esprit du jeune garçon, jusqu’à devenir une quête de rédemption. « Peut-être que c’est une psychothérapie », lâche-t-il avec lucidité.
C’est en 1975, à l’âge adulte, que la passion s’installe durablement. Et elle ne le quittera plus.
Ce qui attire José Maria dans la carte postale dépasse largement l’objet en lui-même. C’est un regard sur le passé, un miroir des sociétés, une trace du quotidien. Il parle avec précision de ce que les cartes révèlent : paysages figés, bâtiments disparus, styles vestimentaires, mais aussi ce qui est écrit au dos.
« Ce qui est écrit derrière est soit merveilleux, soit de la phonétique. Quand les gens disent que l’orthographe c’était mieux avant, c’est pas vrai. »
Ces messages, parfois touchants, parfois cocasses, lui permettent de tisser des liens intimes avec ceux qui ont vécu avant lui. Pour José Maria, chaque carte est une tranche de vie, une fenêtre sur l’intime.
La collection n’est pas qu’un hobby. Elle est devenue un mode de vie. Loin de se contenter d’un album ou deux, José Maria a laissé la passion envahir son quotidien… et son espace vital.
« J’ai tellement de cartes qu’à un moment donné, je n’arrive même plus à rentrer chez moi. »
Pour faire face à cette accumulation, il revend un garage, puis un appartement utilisé comme entrepôt. Finalement, à la retraite, il achète un petit magasin à Nice. Un lieu à la fois de travail, de rencontre et de plaisir.
« Je viens le matin comme ça, pour m’amuser. C’est mon bureau bis. »
Installé dans son échoppe niçoise, José Maria attire un public de passionnés. Grâce à internet, les amateurs du monde entier peuvent le retrouver. Il partage même cette niche avec un jeune collègue local, avec qui il entretient de bons échanges.
Mais au-delà du commerce, c’est la transmission qui motive le plus ce retraité dynamique. Il donne des conférences, écrit des articles et prête généreusement ses cartes pour des projets culturels.
La carte postale, pour José Maria, est aussi une manière de voyager. Mais dans son cas, les voyages nourrissent la collection, autant que l’inverse.
« Partout où je suis allé, je garde les cartes postales. »
Ainsi, ses déplacements personnels deviennent des chapitres de sa collection : le Vietnam, pays d’origine partiel de son épouse ; New York, visité chez des amis ; Venise, ville qu’il adore. Chacune de ces destinations se retrouve figée en images et en mots.
« Voyager à l’envers », dit-il, comme s’il collectionnait non pas des souvenirs, mais des empreintes.
Contrairement à d’autres objets de collection, la carte postale reste accessible. José Maria souligne avec satisfaction que le prix ne fait pas la valeur.
« On peut trouver un truc formidable à 0,50 € ou à 1 €. »
Bien sûr, certaines cartes très rares ou anciennes peuvent atteindre 100 €, voire plus. Mais pour lui, l’intérêt est ailleurs : dans l’émotion, la découverte, la pertinence historique.
« C’est pas un truc de fou comme des bijoux ou des timbres où les prix sont délirants. »
L’importance du travail de José Maria dépasse son cercle de passionnés. En 2021, lors de l’inscription de la ville de Nice au patrimoine mondial de l’UNESCO, sa collection joue un rôle central.
« J’ai travaillé avec la ville. J’ai prêté beaucoup de choses, des hôtels, qui leur ont servi à monter le dossier. »
Ses archives, riches et variées, ont permis de documenter des pans entiers de l’histoire locale. Une reconnaissance implicite pour un homme qui, depuis des années, conserve avec soin ce que d’autres auraient jeté.
L’écriture est un autre volet de sa passion. José Maria est co-auteur de plusieurs ouvrages, souvent réalisés en collaboration avec des amis ou spécialistes.
Parmi ses publications : un livre sur les 503 communes des Alpes-Maritimes, un autre sur les colonies de vacances, un troisième sur les transports anciens, ou encore des volumes thématiques sur le patrimoine local.
« Chaque commune est représentée par deux ou trois cartes postales. Et puis il y a le contenu, une petite histoire. »
Toujours, la carte postale est le point de départ. Mais c’est l’histoire locale, sociale, humaine, qui devient le fil rouge du récit.
Son ouvrage le plus singulier reste peut-être un livre de cuisine. Non pas un simple recueil de recettes, mais une promenade gourmande dans le temps et l’espace niçois.
« C’est la sixième édition. La dernière est un peu originale parce qu’elle tient toute seule comme ça. »
Chaque recette est accompagnée d’une carte postale, soigneusement choisie. Une manière d’ancrer les saveurs dans leur territoire, de faire dialoguer le goût et l’image.
Un projet original, à l’image de son auteur, qui ne cesse de décloisonner les disciplines.
José Maria ne s’arrête pas à la collection et à l’édition. Il organise aussi des conférences, souvent à thème. L’une des plus appréciées revient chaque année : celle consacrée au carnaval de Nice.
« J’ai fait plusieurs conférences avec un grand spécialiste du carnaval. »
Là encore, les cartes postales sont mises à l’honneur. Elles documentent les chars, les déguisements, les foules du passé. Elles permettent d’évoquer les évolutions esthétiques, sociales et culturelles du carnaval niçois.
Au fil du temps, José Maria est devenu bien plus qu’un amateur éclairé. Il est un témoin, un transmetteur, un homme qui fait le lien entre hier et aujourd’hui. Sa boutique n’est pas un simple lieu de vente, mais un espace de mémoire. Ses livres ne sont pas de simples albums, mais des œuvres collectives nourries d’images et de vécu.
Dans un monde saturé d’écrans, il persiste à croire en la beauté du papier, en la puissance d’une phrase manuscrite au dos d’une image. En feuilletant ses trésors, il nous rappelle que l’histoire ne se trouve pas toujours dans les archives officielles. Elle se cache parfois au dos d’une carte, envoyée un jour d’été, sur le coin d’une table.
José Maria est basé à Nice, dans un petit magasin dédié à la carte postale ancienne. Il y reçoit les passionnés, les curieux, les chercheurs. Il donne des conférences, collabore avec les institutions culturelles locales, et publie régulièrement des ouvrages mêlant patrimoine et images.
DB+IA 14/11/2025