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Dans les hauteurs parfumées de Grasse, Julien Besson invente un vin d’un nouveau genre : un vin aux fleurs. En alliant la subtilité de la tubéreuse ou de la rose à la richesse aromatique du raisin, ce vigneron visionnaire fait dialoguer deux patrimoines d’exception. Rencontre avec un artisan du goût hors norme.
Julien Besson débute son récit par une évocation de la tubéreuse. Plus discrète que la rose ou le jasmin, cette fleur possède une saisonnalité courte – mi-août à fin septembre – mais offre une puissance aromatique exceptionnelle.
« C'était une plante. C'était une fleur qui était un petit peu plus discrète que la rose et le jasmin, parce que du coup sa saisonnalité est beaucoup plus courte », explique-t-il. Une rareté qui en fait un produit précieux, emblématique de la région de Grasse, haut lieu de la parfumerie française.
Selon lui, les arômes de la tubéreuse sont « très puissants au niveau du goût » et ses parfums, « subtils », justifient un prix élevé. Cette fleur rare contribue aussi à la renommée internationale de Grasse : « C’est ce qui fait un peu la notoriété de Grasse aussi. »
C’est en vigneron que Julien Besson se présente. Mais c’est en pionnier qu’il parle de sa dernière création : un vin aux fleurs.
« Alors moi j'ai créé il y a maintenant un an et demi un vin aux fleurs, donc je suis le seul au monde à avoir fait ça », déclare-t-il avec assurance. Une innovation singulière, née d’un déclic lors d’un événement local : l’exposition Rose 2024.
À cette occasion, il présente ses rosés classiques. Mais face aux remarques récurrentes du public sur la présence supposée de rose dans le vin – ce qui n’était pas le cas – l’idée germe. « Jusqu'au moment où je me suis dit : mais oui, l'idée est là ! Pourquoi ne pas associer le cépage, les raisins avec les fleurs ? »
Plutôt que d’aromatiser ses vins artificiellement, Julien Besson fait le choix audacieux d’utiliser la fleur comme outil d’élevage, en remplacement de la traditionnelle barrique en bois.
« Au lieu d'utiliser une barrique, je me suis dit je vais utiliser les fleurs », explique-t-il. Un geste à la fois poétique et technique, qui transforme le processus de vinification. Il ne s’agit pas simplement d’ajouter un arôme floral, mais de créer une symbiose entre la fleur et le raisin.
Cette démarche s’inscrit dans une volonté de valoriser les savoir-faire locaux : « D’autant plus les fleurs de Grasse, parce qu'on est sur le patrimoine mondial de l'UNESCO, un savoir-faire ancestral ramassé par des mains de femmes avec des délicatesses de saisonnalité fantastique. »
Julien Besson ne choisit pas ses fleurs au hasard. Chaque cépage est pensé en fonction d’une cohérence aromatique avec la fleur sélectionnée. Il s'agit d'une démarche de création olfactive et gustative, inspirée de la parfumerie mais ancrée dans le terroir viticole.
« Il faut que j'utilise ces fleurs-là pour les associer à mes cépages qui auront en fait une cohérence aromatique », dit-il. On retrouve ici la rigueur du nez parfumeur et l’intuition du vigneron, réunies en un seul geste.
Ce travail de composition exige un équilibre délicat : que la fleur ne masque pas le vin, et que le vin laisse s’exprimer la fleur. Un défi qu’il relève chaque année avec une attention particulière portée aux aléas climatiques.
Comme tout vigneron, Julien Besson doit composer avec la nature. Mais dans son cas, l’adaptation est double : à la fois sur la vigne et sur la fleur.
« J'essaye chaque année de changer et de m'adapter au climat, aux intempéries », explique-t-il. Cette capacité d’adaptation se traduit dans l’assemblage de ses vins, qu’il rééquilibre constamment pour préserver l’harmonie entre les deux éléments centraux : le fruit et la fleur.
Son objectif est clair : « Trouver le juste équilibre pour que vous ayez le vin d'un côté et la fleur de l'autre. »
En associant vin et fleur, Julien Besson fait dialoguer deux cultures : celle de la viticulture et celle de la parfumerie. Deux mondes qui coexistent depuis des siècles dans le sud de la France, mais qui ne s’étaient encore jamais rencontrés de manière aussi intime.
Ce projet est aussi une manière de faire vivre le patrimoine : celui des cépages anciens, des savoir-faire viticoles, mais aussi celui des fleurs rares, cultivées selon des méthodes artisanales à Grasse.
Le vin aux fleurs devient ainsi un objet culturel autant que gustatif, un hommage liquide à la richesse d’un territoire.
Au-delà de la création, Julien Besson revendique une démarche responsable. Il travaille avec des cueilleuses locales, respecte la saisonnalité des fleurs et privilégie les circuits courts. Chaque bouteille reflète une philosophie : celle du respect du vivant, du temps, des cycles.
Il ne s’agit pas de produire en masse, mais de créer des cuvées uniques, presque confidentielles. Une approche artisanale qui contraste avec les standards industriels du vin et du parfum.
Le vin de Julien Besson ne se boit pas seulement : il se sent, il se perçoit. En mêlant bouquet floral et expression du terroir, il réveille les sens d’une manière nouvelle.
C’est une expérience à part, presque synesthésique, où le nez précède le palais, et où le souvenir d’un parfum vient dialoguer avec la mémoire d’un goût.
Pour les amateurs de vin, c’est une redécouverte. Pour les amoureux des fleurs, une dégustation olfactive. Et pour tous, une invitation au voyage.
Julien Besson n’a pas seulement inventé un nouveau produit : il a ouvert une voie. Celle d’un vin sensoriel, hybride, enraciné dans son territoire mais tourné vers l’expérimentation.
Il bouscule les codes d’un monde parfois figé dans ses traditions, en y injectant une dose de poésie et d’audace. Sa démarche est à la fois simple et révolutionnaire : marier deux éléments qui ne s’étaient jamais rencontrés autrement que dans un bouquet de table.
L’avenir de Julien Besson s’écrit entre vignes et champs de fleurs. Il continue d’explorer de nouvelles associations, en fonction des floraisons, des vendanges, des envies. Son projet reste en constante évolution, à l’image de la nature qui l’inspire.
Alors que les enjeux environnementaux redéfinissent notre rapport au goût et à la production, son initiative offre un exemple inspirant : celui d’une création respectueuse, sensorielle, et profondément locale.
Julien Besson ne se contente pas de faire du vin. Il invente une nouvelle façon de le penser, de le ressentir. En y mêlant la mémoire des fleurs, il redonne au vin une part de mystère – et de grâce.
SDZ + IA