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Ce que cherche Klaus-Juergen Maiwald, ce n’est pas à raconter une histoire, mais à offrir une image, brute, sensible, habitée.
« Je n’aime pas raconter quelque chose », dit-il calmement. « J’aime présenter des images, des tableaux. »
Loin des discours sur l’art ou des démarches conceptuelles verbeuses, Maiwald privilégie l’émotion directe. Il peint comme on respire, comme on regarde. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas le commentaire, mais la transmission d’une sensation – presque d’un frisson.
Son nom – « Klaus-Juergen, mais bien, "Forêt de mer" en français », précise-t-il avec humour – trahit ses origines germaniques. Pourtant, c’est en français qu’il se livre. Son accent l’accompagne, doux et flou, comme un voile léger posé sur les mots. Sa passion, dit-il simplement, « c’est la peinture, bien sûr. »
Une évidence, presque un destin. « Depuis mon enfance, je crois, chaque enfant aime la peinture », confie-t-il. Mais lui ne l’a jamais quittée. Là où d’autres rangent les pinceaux en grandissant, Maiwald a persisté. Mieux : il a creusé, affiné, interrogé ce rapport si particulier entre forme, couleur et perception.
Dans sa pratique, rien n’est laissé au hasard. L’équilibre entre forme et couleur est au cœur de sa démarche. L’un ne peut exister sans l’autre.
« Une forme sans la couleur bourrine et la couleur sans forme, ça marche pas non plus », résume-t-il d’une formule lapidaire. C’est là toute la complexité de son travail : faire coexister l’abstraction et la composition, le geste et la structure.
Il avoue une prédilection pour « la grande bleue » – ou « le grand bleu, comme vous voulez ». Une couleur qu’il dit aimer « beaucoup », presque viscéralement. Le bleu, dans son œuvre, semble fonctionner comme une matrice, un langage chromatique par lequel il cherche à dire l’indicible.
Mais pour Maiwald, peindre ne suffit pas. Encore faut-il que l’œuvre soit regardée, reçue, ressentie. Sans cela, elle demeure incomplète.
« Tableau sans spectateur, sans récipient pour vous, rien finalement », affirme-t-il. L’image, chez lui, ne vit que dans le regard de l’autre. Et ce regard, il l’espère complice, réceptif, capable de ressentir ce qu’il a lui-même perçu face au paysage.
« Moi, j’ai eu des émotions en face du paysage », dit-il. « J’espère que le récipient, sont la même chose. » L’artiste rêve d’une forme de résonance – ce qu’il appelle « une communauté que je cherche ». Non pas un groupe social, mais une communion sensible, fugace et intense, entre l’artiste, son œuvre et le spectateur.
Maiwald savoure ce qu’il appelle « un privilège ». Deux mois pour créer, exposer, respirer.
« Je vis deux mois dans la villa Fontaine », raconte-t-il. « La ville m’a donné beaucoup. Travaillé, exposé quelques pas du dernier atelier de Staël. C’est exceptionnel. »
À travers ces mots, on perçoit l’émotion de l’artiste, sa gratitude presque naïve face à ce moment suspendu. Pour lui, la résidence n’est pas une simple étape dans sa carrière, mais une parenthèse précieuse, un temps offert pour se reconnecter à l’essence même de son art.
Impossible de parler de Maiwald sans évoquer Nicolas de Staël. Le peintre français d’origine russe hante son imaginaire depuis ses études. « J’ai étudié l’histoire de l’art », explique-t-il. « Et c’est comme l’école à distance. »
De Staël représente pour lui une forme d’idéal, une figure tutélaire dont la démarche le touche profondément. « C’était un art, finalement, presque comme Picasso. » Une manière d’unir la forme et l’émotion, la matière et la lumière.
Il évoque aussi « sa théorie », sans entrer dans les détails, mais avec un respect palpable. « Il dit : il y a des beaux tableaux où rien. » Une formule incomplète, mais suggestive – comme si, dans le vide, dans le silence du tableau, quelque chose surgissait.
On pourrait dire que la peinture de Maiwald est une peinture du retrait. Non pas parce qu’elle fuit le réel, mais parce qu’elle lui fait place. Elle ne commente pas le monde, elle l’accueille. Elle ne l’explique pas, elle le rend visible autrement.
Il ne peint pas la mer. Il peint le regard qu’il porte sur elle. Ou mieux : il tente de retrouver, dans la peinture, l’émotion qu’il a eue en la regardant.
En cela, son œuvre relève d’une forme de méditation active. Une pratique à la fois exigeante et généreuse, où le peintre se met au service de quelque chose qui le dépasse.
Dans ce portrait filmé, Klaus-Juergen Maiwald se livre avec pudeur. Il parle peu, choisit ses mots, les sculpte presque. Et pourtant, il dit l’essentiel.
Peindre, pour lui, ce n’est pas montrer, c’est partager. C’est transmettre une émotion, dans le silence d’un tableau. Et espérer que, quelque part, quelqu’un ressentira la même chose. Comme une réponse.
Dans un monde saturé d’images et de récits, son approche fait figure de résistance. Une peinture sans bruit. Mais pleine de présence.
SDZ + IA