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Dans les Bouches-du-Rhône, Laurent Boyer perpétue un savoir-faire oublié : celui de vinaigrier. À travers sa marque Côte Bleue, il produit des vinaigres artisanaux à base de vins et de fruits locaux. Un engagement pour le goût, la terre, et l’excellence, salué jusque dans les cuisines étoilées.
Installé sur la Côte Bleue, ce littoral discret et préservé à l’ouest de Marseille, Laurent Boyer a fait le pari d’un métier rare : artisan vinaigrier. Un choix atypique qu’il justifie par la passion du goût et un attachement viscéral au territoire. « Il y a toujours l’idée d’avoir un produit 100 % local », explique-t-il. C’est une condition non négociable : « Je me positionne à 100 kilomètres maximum de la ville, que ce soit pour les vins ou pour les fruits utilisés en macération ».
Ainsi, tous les ingrédients proviennent d’un rayon restreint autour de son atelier : « Les macérations de fruits se font à moins de cinq kilomètres de la vie agricole », précise-t-il. La framboise de Provence, la figue locale ou encore le citron de Menton entrent dans la composition de ses vinaigres. Un circuit court assumé, presque militant, qui garantit la fraîcheur, la traçabilité et l’identité gustative des produits.
Chez Côte Bleue, le vinaigre est travaillé « à la manière traditionnelle ». La méthode est simple, mais rigoureuse : vin blanc, rosé ou rouge fermentent lentement, avant d’être enrichis par des macérations de fruits soigneusement sélectionnés. « Je fais du vinaigre de vin, puis je fais dessus des macérations de fruits : framboise de Provence, figue, citron de Menton… », énumère l’artisan. Ce processus permet d’obtenir des condiments aromatiques, puissants mais équilibrés, aux notes fruitées et complexes.
Plus qu’un simple assaisonnement, le vinaigre devient ici un véritable ingrédient culinaire, pensé pour accompagner aussi bien les plats du quotidien que les créations les plus raffinées.
Si l’on pense spontanément à la vinaigrette, les vinaigres de Laurent Boyer trouvent bien d’autres usages en cuisine. « C’est pour les vinaigrettes, oui, mais aussi pour le déglaçage dans les plats, ou encore en gouttes dans les sauces », souligne-t-il. Le vinaigre n’a pas seulement une fonction acide, il apporte aussi un bouquet aromatique qui fait toute la différence. « Il donne un côté acide et aromatique au poivre », note-t-il, soulignant la finesse de ses condiments.
Cette approche a séduit de nombreux chefs. « On le retrouve sur de grandes tables », se réjouit-il. Dès 2019, ses produits étaient présents dans des établissements de renom, comme le restaurant Orban à Rennes ou une grande table du Cap Ferrat. « C’est une fierté, une reconnaissance de mon travail », confie Laurent Boyer. « Au départ, je ne savais pas si mon travail avait de la valeur. Aujourd’hui, je sais qu’il est reconnu par les grands chefs. »
Comme beaucoup d’artisans, Laurent Boyer a pu compter sur des structures locales pour développer son activité. « La Chambre des Métiers m’a accompagné dès la création », explique-t-il. Il cite notamment leur soutien sur le plan numérique : « Ils m’ont aidé pour le site internet et le site marchand ». Une aide précieuse qui lui a permis de faire connaître ses produits au-delà du bouche-à-oreille et du réseau local.
Avec le temps, d’autres soutiens ont suivi, notamment sur les aspects liés à l’export. Des dispositifs ciblés, selon les besoins, qui lui ont permis d’ouvrir progressivement ses marchés hors des frontières françaises.
Si la production reste artisanale et limitée, Laurent Boyer ne se prive pas d’ambition. Ses vinaigres voyagent désormais hors de France : « Un peu en Angleterre, en Allemagne, en Belgique… » énumère-t-il. « Ça se développe, mais c’est compliqué à l’export », reconnaît-il toutefois. Complexité logistique, normes différentes, coûts élevés : l’international demande des ressources et une organisation solides.
Mais l’artisan ne se laisse pas décourager. Chaque bouteille qui franchit les frontières est une vitrine de son savoir-faire et une porte ouverte vers de nouveaux publics. L’export est une étape importante pour faire rayonner la gastronomie artisanale française.
L’innovation est au cœur de la démarche de Laurent Boyer. Sa gamme évolue au fil des saisons, des envies et des rencontres avec les producteurs locaux. « Chaque année, je développe de nouveaux vinaigres », explique-t-il. Le prochain ? « Ce sera un vinaigre de vin blanc à l’estragon », annonce-t-il avec enthousiasme.
Là encore, la proximité prime : « L’estragon est produit à 20 kilomètres de la mine Granville », précise-t-il. La collaboration avec les producteurs locaux est directe, humaine, presque complice : « C’est vraiment un échange avec le producteur, et avec un produit qui est naturellement super ».
Le métier de vinaigrier est méconnu, voire en voie de disparition. Pourtant, il demande un savoir-faire précis, une grande patience et une connaissance fine des produits. Laurent Boyer incarne cette nouvelle génération d’artisans qui redonnent ses lettres de noblesse à une pratique ancienne, en l’adaptant aux attentes d’aujourd’hui : qualité, traçabilité, circuits courts, saveurs authentiques.
Son parcours est aussi celui d’un homme qui a fait le choix de la passion plutôt que de la facilité. D’un artisan qui a bâti son entreprise, Côte Bleue, pierre après pierre, autour de convictions fortes et d’un attachement profond à son territoire. Le tout sans compromis sur l’exigence.
Quand il évoque ses produits sur les tables des grands chefs, Laurent Boyer laisse transparaître une émotion discrète, mais sincère. « C’est une fierté », dit-il. Pas pour flatter son ego, mais parce que cette reconnaissance valide des années de travail minutieux, souvent solitaire. « Au départ, je ne savais pas si mon travail avait de la valeur. Maintenant je sais qu’il est reconnu. »
Et cette reconnaissance devient moteur. Elle donne envie de continuer à créer, à expérimenter, à faire rayonner un artisanat du goût, ancré dans une région, mais ouvert sur le monde. Un artisanat sincère, à taille humaine, comme un contrepoint au goût standardisé de l’industrie.
En redonnant ses lettres de noblesse au vinaigre artisanal, Laurent Boyer fait bien plus que produire des condiments : il cultive une philosophie du goût et du lien au terroir. Une bouteille à la fois.
DB+IA 14/11/2025