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Chaque année, le projet « Ouvertures » transforme les élèves de Vallauris Golfe-Juan en explorateurs de la culture. En 2025, c’est le thème du tissage qui a guidé leur parcours entre ateliers manuels et immersion artistique. Reportage avec Michelle Ballatore, coordonnatrice du Réseau d’Éducation Prioritaire (REP) de Vallauris, et les élèves d'un classe de grande section à Vallauris.
Michelle Ballatore, coordonnatrice du Réseau d’Éducation Prioritaire (REP) de Vallauris, est à l’origine d’un dispositif ambitieux : faire dialoguer école et culture au moyen d’un fil conducteur artistique. Le projet « Ouvertures », mené depuis une quinzaine d’années en partenariat avec le musée Magnelli, prend cette année une ampleur particulière. Pas moins de 17 classes, du cycle 1 à la 6e, soit près de 300 enfants, ont été impliquées.
« C’est un projet qui a lieu tous les ans avec le musée Magnelli, qui s’appelle le projet Ouvertures », explique-t-elle. « Il se base sur des visites au musée, et ensuite on leur propose une ouverture vers d’autres musées. »
L’objectif : relier les élèves à leur patrimoine culturel tout en les initiant à une pratique artistique. Les trois piliers de l’Éducation Artistique et Culturelle sont scrupuleusement respectés : la rencontre avec des œuvres et des professionnels, l’acquisition de connaissances, et la pratique artistique.
Le fil rouge de l’édition 2024 — « Lier, nouer, tisser » — a inspiré un vaste parcours culturel. « Chaque classe a travaillé toute l’année sur ce thème. Chaque classe a conçu une œuvre, et aujourd’hui, enfin, toute la semaine, on expose ces œuvres », précise Michelle Ballatore.
Ce thème a permis d’explorer à la fois la matérialité du geste artisanal (tressage, vannerie, fabrication de cordes) et la symbolique du lien social, du passage entre les niveaux scolaires, et de la connexion entre patrimoine et création contemporaine.
Les élèves ont ainsi observé les œuvres d’Alberto Magnelli et les pièces exposées lors de la Biennale internationale de céramique, mais aussi l’exposition monographique d’Awena Cozannet au musée national Picasso.
Les productions des élèves sont exposées à la salle Arias, un lieu symbolique de Vallauris. « C’est une belle salle qui avait accueilli Picasso. Monsieur Arias était son coiffeur ! », sourit Bellatore, heureuse de pouvoir donner à ces œuvres enfantines une visibilité publique.
La restitution finale n’est pas qu’un moment d’exposition, c’est un aboutissement. Elle valorise l’implication des élèves, mais aussi celle des enseignants et des intervenants culturels.
Le projet prend tout son sens dans le contexte du Réseau d’Éducation Prioritaire. « On est quand même un réseau d’éducation prioritaire, et tous les enfants n’ont pas accès à cela », rappelle Michelle Ballatore. « Ce sont des enfants qui n’ont pas toujours accès aux musées, aux spectacles, à la culture. »
Offrir un accès à la culture devient alors un enjeu de justice sociale. Il s’agit de permettre à chaque enfant, quel que soit son milieu, d’éprouver la joie de la création, le calme d’un geste artisanal, et la fierté de voir son travail exposé.
Pour certains, ce projet est aussi une respiration dans le rythme scolaire. « Se poser, faire autre chose que 40 calculs », comme le dit Michelle, est essentiel. Les enfants eux-mêmes le confient : ils ressortent « très détendus » et « contents d’avoir pris du plaisir ».
Au-delà du simple apprentissage, il s’agit d’une éducation sensible, d’un éveil par les mains autant que par les yeux.
Les ateliers pratiques ont été nombreux et variés. Certaines classes ont découvert la fabrication de cordes avec l’association Corderie et Tonton Roger, d’autres ont exploré l’art de la vannerie de bambou au musée des arts asiatiques de Nice. L’association « L’oseraie du possible » a initié les enfants à la vannerie provençale.
Chaque sortie, chaque atelier devient une pièce du puzzle. Les enfants relient les expériences à leurs apprentissages, manipulent, observent, questionnent. C’est une approche holistique de l’éducation artistique.
Un autre objectif du projet est de renforcer les liens entre les niveaux scolaires. « Ce projet permet à différents degrés de classe de se rencontrer et de travailler ensemble », explique Bellatore. Du CP à la 6e, les enfants se croisent, partagent des expériences, découvrent qu’ils font partie d’un même tissu éducatif.
Cette « liaison », souvent difficile à incarner concrètement, prend ici la forme d’une œuvre collective, d’une expérience partagée.
Le projet « Ouvertures » ne s’arrête pas là. Déjà, la prochaine édition est en préparation. Le thème 2025 sera « Positif-négatif ». Une nouvelle occasion de décliner un concept artistique dans toutes ses dimensions pédagogiques, sensibles et sociales.
Michelle Ballatore, qui s’apprête à partir à la retraite, laisse derrière elle un projet solidement ancré. « Tout ça, ça me touche à titre personnel », confie-t-elle avec émotion.
Elle aura tissé, au fil des ans, un lien fort entre les enfants de Vallauris et leur patrimoine culturel. Un tissage humain, fait de patience, de passion et de convictions.
BP + IA
19 juin 2025