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Alors que la France croule sous 10 millions de tonnes de déchets alimentaires chaque année, une entreprise solidaire s’engage à leur donner une seconde vie. Dans le Var, Les Alchimistes transforment les restes de nos assiettes en or brun pour les agriculteurs.
C’est un double constat qui a mené à la naissance des Alchimistes : d’un côté, un gaspillage alimentaire massif en France — plus de 10 millions de tonnes par an —, de l’autre, des agriculteurs confrontés à la dégradation progressive de leurs terres. « On a des agriculteurs qui ont des sols de plus en plus dégradés, des sols qui sont morts », déplore Manui, commercial pour Les Alchimistes, lors de son intervention au Salon des Maires.
Le lien entre ces deux réalités, Les Alchimistes ont décidé de le créer. Leur pari : détourner les déchets alimentaires de l’incinération pour les transformer en compost normé, utilisable en agriculture biologique. Une initiative à la fois écologique, sociale et profondément locale.
Les Alchimistes ne sont pas une entreprise comme les autres. « Nous, on est une entreprise solidaire et d'utilité sociale », affirme Manui avec conviction. Leur mission ne se limite pas à la collecte des biodéchets : elle vise une transformation systémique de notre rapport à ce que nous jetons.
Fondée sur un modèle de circuit court, l’entreprise travaille main dans la main avec les collectivités, les restaurateurs, les établissements scolaires ou hospitaliers. Elle s’engage à collecter tous les types de déchets alimentaires — viande, os, arêtes, poisson, pain — sans distinction, à condition qu’ils soient exempts de plastique ou de verre.
Alors que la majorité des déchets organiques en France sont encore incinérés, Les Alchimistes proposent une alternative propre et durable. « La bonne nouvelle, c’est que les déchets alimentaires sont peu, voire pas valorisés aujourd’hui », souligne Manui. C’est précisément dans ce manque que l’entreprise a trouvé sa raison d’être.
Le processus débute par la collecte, se poursuit par un tri minutieux sur une plateforme dédiée — où les éléments non alimentaires sont retirés à la main — puis par la transformation des déchets en compost. Ce compost est ensuite utilisé pour fertiliser les sols, principalement dans le Var.
Le respect de la qualité du compost est une exigence non négociable pour Les Alchimistes. Tout commence sur leur plateforme de tri, où le plastique, le verre et le carton sont soigneusement extraits des biodéchets. « On va retirer à la main tout ce qui est non alimentaire », explique Manui.
L’objectif : produire un compost normé, sain, et parfaitement adapté aux exigences de l’agriculture biologique. Cette rigueur garantit la confiance des partenaires agricoles et des clients finaux. Pour eux, il s’agit de nourrir la terre, pas de la polluer davantage.
Le produit final est bien plus qu’un amendement : c’est un acte de reconquête écologique. « Ce compost-là sert à renourrir les sols, principalement dans le Var », insiste Manui. Un choix de territoire assumé, dicté à la fois par la proximité logistique et par la situation critique de certains terroirs.
Dans ce département méditerranéen soumis à de fortes pressions agricoles et climatiques, les sols souffrent. Le compost des Alchimistes vient en renfort, notamment dans les domaines viticoles qui cherchent à améliorer la structure et la vie de leurs sols.
L’approche des Alchimistes est radicalement inclusive : aucun reste n’est laissé de côté. Contrairement à d’autres filières de traitement qui limitent la collecte aux fruits et légumes, l’entreprise accepte tous les déchets alimentaires, y compris ceux d’origine animale.
Cette prise en charge globale renforce l’efficacité du service et simplifie le tri à la source pour les clients. Restaurants, écoles, cantines ou hôpitaux peuvent tout jeter dans le même contenant, à condition de respecter une consigne simple : pas de plastique.
Pour boucler la boucle, Les Alchimistes n’oublient pas de redonner. Chaque année, ils offrent jusqu’à 100 litres de compost à leurs clients. Une manière concrète de matérialiser l’impact de leurs gestes quotidiens, et de réengager les usagers dans le cycle de la nature.
Ces retours — souvent sous forme de big bags — permettent aux entreprises, collectivités ou associations partenaires de fertiliser leurs propres espaces verts, jardins partagés ou initiatives pédagogiques. Le compost devient un levier de sensibilisation et d’ancrage local.
Le développement des Alchimistes dans le sud-est de la France se concentre aujourd’hui sur le Var. Manui le reconnaît : « Dans le coin, il n’y en a pas tellement dans le 06. » Le territoire alimente donc une dynamique vertueuse qui pourrait inspirer les départements voisins.
Avec ses nombreux domaines viticoles en recherche de solutions durables, le Var constitue un terreau favorable à l’expansion du modèle. Le partenariat direct avec les agriculteurs permet d’ajuster les formulations du compost aux besoins spécifiques des cultures locales.
Au-delà de la simple valorisation des déchets, Les Alchimistes défendent une vision plus large : celle d’un modèle circulaire, enraciné dans les territoires et au service du vivant. En collectant localement pour redistribuer localement, l’entreprise minimise son empreinte carbone tout en renforçant les liens entre villes et campagnes.
Leur action contribue aussi à une prise de conscience collective : nos déchets ne sont pas des rebuts, mais des ressources. Et les solutions aux grands défis environnementaux se trouvent parfois dans les gestes les plus simples : trier, composter, transmettre.
L’impact social est au cœur du projet des Alchimistes. En plus de son utilité environnementale, l’entreprise crée des emplois en insertion, souvent pour des personnes éloignées du marché du travail. Le travail de tri manuel ou de logistique offre ainsi des opportunités concrètes de réinsertion professionnelle.
Ce double engagement — écologique et social — donne toute sa force au projet. Il prouve qu’il est possible de construire un modèle économique viable tout en répondant aux urgences climatiques et sociales de notre époque.
Le succès du modèle varois pourrait bien ouvrir la voie à une expansion dans d’autres territoires. Le département des Alpes-Maritimes (06), mentionné comme peu doté en initiatives similaires, pourrait constituer un prochain point d’ancrage.
La demande est là, les déchets aussi. Reste à construire les infrastructures et les partenariats nécessaires pour répliquer ce qui fonctionne déjà si bien ailleurs. Les Alchimistes, avec leur nom évocateur, pourraient bien réussir leur plus grande transmutation : celle d’un modèle local en une solution nationale.
Transformer les déchets en ressources, redonner vie aux sols, recréer du lien entre les urbains et les agriculteurs : Les Alchimistes incarnent une écologie de terrain, appliquée et accessible. Leur démarche est celle d’artisans de l’environnement, qui mêlent engagement, rigueur et espoir.
Dans un contexte où les collectivités cherchent à répondre aux nouvelles obligations de tri à la source des biodéchets (notamment avec la loi AGEC), leur savoir-faire apparaît plus que jamais nécessaire. À l’heure où chaque geste compte, celui de composter devient un acte politique.
Et comme le dit Manui : « La bonne nouvelle, c’est qu’il y a encore tout à faire. »
DB+IA 22/10/2025