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Dans les Hautes-Alpes, au cœur d’un territoire où la tradition lainière semblait appartenir au passé, un couple redonne vie à un savoir-faire local. À la tête de la filature Laines du Valgaudemar, Marie-Laure Laurent, présidente de l’entreprise, et Julien Laurent, responsable maintenance et mécanique, mènent un projet à contre-courant des logiques industrielles mondialisées.
« La passion pour la filature est venue il y a cinq ans, quand j’ai rencontré cette filature », raconte Marie-Laure Laurent. Avec son mari, elle décide alors de relever un défi de taille : relancer une activité centenaire, en misant sur des fibres françaises, des machines anciennes et une vision durable de la production textile. Un projet guidé autant par l’envie de préserver un patrimoine que de le réinventer.
Dès le départ, la ligne est claire : produire exclusivement à partir de laines françaises, avec une attention particulière portée à la traçabilité, à la qualité des matières et au respect du territoire. « L’idée, c’est d’avoir que de la laine française, mérinos d’Arles essentiellement, mais toutes les laines françaises », précise Marie-Laure Laurent.
Les pelotes produites dans leurs ateliers s’adressent à la fois aux professionnels et aux particuliers. Chaque fibre, chaque fil porte en lui l’empreinte d’un engagement : celui de remettre la filière laine au cœur des savoir-faire locaux, de l’élevage à la teinture.
Loin des produits standardisés de la grande distribution, les fils issus de la filature offrent une expérience unique. « Quand vous avez des choses comme ça, très duveteuses, avec le bel angora français qui ressort, il y a un réel plaisir à tricoter », s’enthousiasme la présidente.
Cette matière vivante, chaude, légère, connecte les tricoteurs et tricoteuses à une histoire, un terroir, un geste. Dans un monde dominé par l’instantané, la lenteur du tricot devient un acte de résistance, et la qualité des fibres un moteur d’émotion.
Ce choix de la proximité et de la durabilité séduit. « Ce qui est intéressant pour nous, c’est de voir que ça rebondit, que ça reprend », observe Marie-Laure Laurent. La demande pour des produits made in France connaît un regain d’intérêt, porté par des consommateurs en quête de sens, sensibles à l’empreinte écologique et sociale de leurs achats.
Ce retour à une consommation locale est aussi le signe que des valeurs comme l’authenticité, la transmission et la sobriété regagnent du terrain.
Au cœur du projet, il y a aussi les hommes et les femmes de l’atelier, garants d’un savoir-faire rare. « Il y a des personnes qui travaillent dans nos ateliers avec passion, sur du matériel ancien qu’on modernise », témoigne Marie-Laure Laurent. Les métiers à filer, parfois centenaires, cohabitent avec des outils récents, dans une hybridation technique maîtrisée par Julien Laurent, responsable de la maintenance.
Lui, ancien mécanicien dans le secteur agricole, s’est spécialisé dans la remise en état de ces machines singulières. Il assure leur bon fonctionnement et adapte leur mécanique aux nouvelles exigences de production. Un travail de précision, entre héritage et innovation.
Ce renouveau n’aurait pas été possible sans des soutiens locaux, notamment celui de la Chambre de Métiers et de l’Artisanat. « Rapidement, ils nous ont soutenus. Notre histoire et notre aventure ont motivé tout le monde dans les équipes de la CMA », souligne Marie-Laure Laurent. Cette reconnaissance s’est concrétisée récemment par un prix : « On a été primés sur le prix des entreprises de plus de 100 ans », se réjouit-elle.
Un signe que cette relance n’est pas seulement une aventure personnelle, mais un projet collectif qui fédère un territoire.
En redonnant souffle à la filature Laines du Valgaudemar, Marie-Laure et Julien Laurent prouvent que tradition et modernité peuvent cohabiter. Leur engagement pour la laine française, leurs choix de production éthiques, et leur volonté de transmettre un savoir-faire rare dessinent une voie inspirante pour l’industrie textile.
Dans leurs ateliers nichés entre les montagnes, chaque pelote produite est bien plus qu’un fil : c’est un lien vivant entre passé, présent et futur.
DB+IA 13/11/2025