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À Châteauneuf, un marché pas comme les autres s’installe chaque semaine. Ici, pas de grossistes, pas de centrales d’achat, pas même de simples revendeurs. Juste les producteurs et les consommateurs, réunis autour d’un modèle plus vertueux, plus équitable, et résolument local. Un circuit direct qui redessine la carte de l’alimentation.
Le ton est donné dès les premières secondes de l’interview : à Châteauneuf, on ne parle pas de simple circuit court. « C’est encore plus direct, c’est le cas de le dire », explique l’un des responsables du marché. Car ici, les consommateurs achètent en direct du stock du producteur. Finis les intermédiaires, réduits au strict minimum, voire éliminés. Le modèle est clair : proximité, transparence et équité.
Ce marché paysan s’inscrit dans une logique radicalement différente des modèles conventionnels. Il refuse les compromis habituels et pousse la logique du local jusqu’à sa forme la plus épurée : producteur → consommateur, sans étapes superflues.
Mais tout n’est pas permis. L’équipe du marché veille avec rigueur à la sélection des producteurs. Avant de rejoindre les étals, chaque candidat est évalué selon plusieurs critères : provenance, distance, qualité des pratiques agricoles, mode de culture.
Deux grands axes sont mis en avant : le bio et le raisonné, avec une vigilance particulière sur l’impact environnemental. « Il faut des personnes qui ont conscience de l’impact que ça peut avoir sur la consommation », souligne l’intervenant.
Ainsi, au-delà du simple lieu de production, c’est la philosophie du producteur qui est scrutée : sa manière de travailler la terre, de traiter ses animaux, ou encore de gérer l’eau et les déchets. Un modèle exigeant, mais assumé.
Le marché paysan de Châteauneuf n’est pas une initiative isolée ou marginale. Il repose sur un réseau solide de 136 producteurs, répartis tout au long de l’année. Un nombre impressionnant, qui témoigne de la vitalité du modèle et de son ancrage dans le territoire.
À cette échelle, il ne s’agit plus seulement de vente directe ponctuelle, mais d’un véritable système économique structuré. Le marché devient un carrefour d’échanges, de logistique, de solidarité et d’innovation rurale.
Les producteurs y trouvent une vitrine stable et rémunératrice. Les consommateurs, eux, y gagnent en qualité, en prix, et en confiance.
La géographie est au cœur du projet. La priorité absolue est donnée aux producteurs installés autour de Châteauneuf, dans un rayon local restreint. Ensuite seulement viennent les apports du département, puis de la région — en dernier recours.
Ce zonage progressif permet de préserver la cohérence écologique du modèle : moins de transport, moins de pollution, un ancrage territorial fort. Ce n’est pas seulement une question de kilomètres, mais de lien social et de connaissance mutuelle.
Le marché devient ainsi un point de convergence des forces locales, une plateforme de résilience et de relocalisation de l’alimentation.
L’un des fils rouges du projet reste la réduction des intermédiaires, ces structures invisibles qui, dans la distribution traditionnelle, captent une partie de la valeur sans produire ni transformer. Ici, on les élimine au maximum.
« L’idée, c’est de réduire les entités qui vont se commissionner ou prendre une marge sur ces produits », affirme le responsable. Ce choix permet un équilibre financier plus juste : le producteur est mieux rémunéré, le consommateur paie moins cher, et le lien humain est renforcé.
En retirant les marges des distributeurs, le marché réinvente la chaîne de valeur agricole. Il offre un prix juste pour tous, sans sacrifier la qualité ni la rentabilité.
Mais le marché ne se limite pas aux particuliers. Il alimente aussi 25 points de livraison professionnels, dont des cantines scolaires. Ces structures représentent 6000 repas par jour, préparés à partir de produits locaux.
Ce partenariat avec la restauration collective est un levier puissant : il permet d’ancrer les produits fermiers dans le quotidien des enfants, d’éduquer au goût, et de soutenir l’agriculture locale sur le long terme.
Le défi logistique est important, mais maîtrisé. Le marché joue ici un rôle d’interface logistique et de coordination, tout en respectant ses principes fondamentaux : proximité, traçabilité, équité.
Le nerf de la guerre reste, comme toujours, le prix. Dans un contexte inflationniste et de crise agricole, le marché de Châteauneuf parvient à concilier exigence sociale et viabilité économique.
« On veut des prix justes pour les producteurs, et les plus réduits possibles pour les acheteurs finaux », résume l’intervenant. Un équilibre difficile à atteindre, mais qui repose ici sur une transparence totale.
Pas de frais de stockage démesurés, pas de marketing envahissant, pas de marges opaques. Chaque euro dépensé va au bon endroit, et cela change tout.
Ce marché incarne une contre-proposition concrète à l’agro-industrie mondialisée. Il montre que d’autres systèmes sont possibles, viables et déjà en place.
Il ne s’agit pas d’un retour au passé ni d’un fantasme ruraliste, mais d’un modèle moderne, ancré dans le réel, qui conjugue écologie, économie et lien social.
En reconnectant l’assiette à la terre, le marché paysan de Châteauneuf redevient un lieu de décision collective, où chaque achat devient un acte citoyen.
Face à son succès, la question se pose naturellement : le modèle de Châteauneuf peut-il être reproduit ailleurs ?
Rien ne semble s’y opposer. Les principes sont clairs, les outils existent, et les acteurs locaux ne manquent pas. Ce qui a fait la force du projet, c’est une volonté politique, une rigueur dans la sélection, et une organisation solide.
Pourtant, tout ne peut être copié à l’identique. Le modèle repose aussi sur une culture locale de coopération et un tissu agricole dynamique. L’humain reste au cœur de la réussite.
Mais en ces temps de transition alimentaire, le marché de Châteauneuf offre un exemple inspirant pour toutes les communes cherchant à relocaliser leur alimentation.
Le marché paysan de Châteauneuf n’est pas un simple marché. C’est un laboratoire de la transition, une vitrine de ce que peut devenir une économie agricole locale, solidaire et durable.
En redonnant le pouvoir aux producteurs, en reconnectant les consommateurs à leur territoire, et en inventant de nouvelles formes de distribution, il remet du sens dans l’acte d’acheter.
À l’heure où les crises alimentaires, climatiques et sociales s’accumulent, cette initiative éclaire une voie possible, celle d’une agriculture plus humaine, plus juste, et plus proche.
DB+IA 22/10/2025