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Entre abstraction poétique et maîtrise artisanale, l’artiste de l’atelier Cognet, installé à Vallauris, transforme ses dessins intimes en sculptures monumentales. Rencontre dans un showroom où la lave émaillée devient langage plastique.
C’est par cette phrase que commence la visite du showroom de l’atelier Cognet, niché à Vallauris, haut lieu historique de la céramique française. L’artiste nous y accueille dans un espace baigné de lumière, entouré de pièces aux formes fluides, oscillant entre design, sculpture et installation architecturale. Chaque œuvre y semble issue d’un rêve matérialisé, d’un univers intime mis en volume.
Un passage par la mode et la chaussure qui marque encore aujourd’hui sa pratique : « Je travaille toujours en dessinant. Tout part du dessin », affirme-t-elle. Les croquis deviennent des formes picturales, qu’elle transpose ensuite dans la matière. « Je fantasme des pièces monumentales de plus en plus grandes », explique-t-elle, en désignant des structures de lave émaillée posées comme des totems modernes.
L’artiste ne cache pas l’origine très personnelle de ses inspirations : elles puisent dans les années 50-60, l’architecture moderniste, californienne et méditerranéenne. Ce goût du soleil et des lignes épurées irrigue ses sculptures, pensées pour les maisons baignées de lumière, de Cannes à Ibiza, en passant par les collines de Los Angeles.
La matière est un élément central de son travail. Si l’artiste est installé à Vallauris, bastion historique de la céramique, elle revendique un détournement des matériaux traditionnels. « Ce n’est pas de la céramique, c’est de la lave émaillée », précise-t-elle en montrant une pièce sculptée à la disqueuse, réalisée avec un artisan local à Cagnes-sur-Mer.
Le procédé mêle artisanat et expérimentation. La lave est d’abord taillée, puis émaillée à l’aide de projections pour créer des effets de coulures : « On fait des projections pour avoir ces coulures et avoir vraiment une pièce vivante », décrit-elle. Cette quête d’imperfection maîtrisée donne à chaque sculpture une texture singulière, presque organique.
La reconnaissance est venue de l’international. Depuis son ancien pied-à-terre à Los Angeles, l’artiste a noué des liens solides avec plusieurs galeries américaines. « On travaille beaucoup au Canada, en Australie, dans les pays du Golfe », énumère-t-elle. Ce réseau international constitue aujourd’hui la majeure partie de son activité : « 70 % de notre chiffre d'affaires, c'est les États-Unis », dit-elle.
Mais le travail de l’atelier Cognet reste aussi profondément ancré en France. Elle collabore avec « des super architectes » dans l’Hexagone pour des projets intégrant ses sculptures dans des résidences, souvent situées en bord de mer, où la lumière naturelle sublime les émaux.
Cette volonté de laisser place à l’interprétation traverse toute sa démarche. « Moi, j’aime bien l’art abstrait. J’aime pas quand c’est pas abstrait », confie-t-elle. Chaque sculpture devient ainsi un miroir subjectif, invitant à la contemplation plus qu’à la compréhension.
Le vocabulaire formel de ses œuvres échappe aux définitions classiques : on y devine parfois un fragment d’architecture, une silhouette naturelle, une évocation totémique… sans jamais tomber dans la figuration. C’est cette ambivalence, nourrie par un long travail de dessin et de fabrication, qui donne à ses pièces une aura particulière.
L’installation de l’atelier à Vallauris n’est pas anodine. La ville, connue pour avoir accueilli Picasso, reste aujourd’hui un vivier d’artisans et de créateurs. « Vallauris, c’est quand même une ville d’exception pour la céramique », rappelle-t-elle. En se démarquant de la céramique traditionnelle tout en s’implantant dans ce territoire, l’artiste inscrit son travail dans une continuité locale, tout en la réinterprétant.
Cette tension entre tradition et innovation est au cœur de sa pratique. Elle permet à l’atelier Cognet de proposer un regard neuf sur un matériau ancestral, et de faire dialoguer le patrimoine avec les esthétiques contemporaines.
À travers ses sculptures en lave émaillée, l’atelier Cognet compose un langage sculptural singulier, fait d’abstraction, de lumière et de matières brutes. Ancré à Vallauris mais tourné vers le monde, son travail séduit par sa capacité à convoquer des imaginaires multiples, sans jamais imposer une lecture unique.
Dans un monde saturé d’images et de discours, ses œuvres proposent une pause, un espace de projection. « On y voit ce qu’on veut », dit-elle. Et c’est peut-être là leur plus grande force.
SDZ + IA