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Il ne suffit pas de savoir dessiner pour transmettre l’art. Oscar Brask, iconographe et pédagogue, l’a compris très tôt. Son parcours atypique, tissé au fil des âges et des expériences humaines, s’ancre aujourd’hui dans la terre vallaurienne. À l’occasion d’une exposition accueillie du 7 au 14 juin à l’église Sainte-Anne/Saint-Martin de Vallauris, de 9h à 18h, il expose aux côtés de ses élèves, tous porteurs d’un langage symbolique singulier.
Oscar ne se contente pas d’enseigner une technique. Il partage une manière d’être au monde, par l’image, la matière, la spiritualité. « J’ai enseigné pour toutes les tranches d’âge », explique-t-il. Enfants de collège, élèves de terminale, adultes en reconversion, retraités ou sans domicile fixe : chaque atelier devient pour lui un lieu de rencontre.
Sa méthode repose sur l’écoute. Oscar ne plaque pas une pédagogie, il s’adapte. Il raconte : « C'était à chaque fois une nouvelle rencontre et une nouvelle rencontre enrichissante pour moi. » Qu’il s’agisse d’un adolescent en quête de repères ou d’un senior explorant une nouvelle forme d’expression, il accueille l’élève tel qu’il est.
Dans ses ateliers, le geste compte autant que le résultat. Ce n’est pas l’œuvre qui est au centre, mais le processus de création. Une philosophie qu’il décline avec conviction, notamment auprès des publics les plus fragiles.
L’un des moments les plus marquants de son parcours reste sans doute le travail mené avec des personnes sans-abri. Là, la transmission prend une autre dimension. « Des gens qui arrivaient avec les doigts tout rouges le matin, après le café, et qui prenaient un pinceau… et devenaient comme ça très créatifs et très passionnés. »
Ces ateliers, animés au petit matin, après des nuits souvent passées dehors, ouvraient un espace hors du temps. Un moment de répit, mais surtout un retour à soi. « Alors qu’ils avaient passé une nuit épouvantable sur le trottoir », ils retrouvaient dans l’art une forme de dignité. Une chaleur intérieure.
Cette quête d’humanité, Oscar la relie profondément à l’iconographie. Son art n’est pas un simple jeu de formes ou de couleurs : c’est une porte vers une dimension plus haute, symbolique, presque sacrée.
L’exposition actuelle à Vallauris en est le prolongement. Elle ne montre pas seulement les œuvres d’un professeur, mais avant tout celles de ses élèves. Des travaux variés, marqués par la pluralité des techniques et des visions. Un patchwork de sensibilités.
Oscar y présente lui aussi quelques pièces, mais il insiste : « C’est eux qui sont importants. C’est eux qui ont à montrer. Et ce qu’ils font, j’en suis très fier. »
Cette exposition n’est pas un hasard. Elle est le fruit d’un ancrage profond. « J’habite à Vallauris, je suis de vieille famille vallaurienne. Mon arrière-grand-père était potier. » Avec émotion, Oscar évoque cette mémoire artisanale, cet héritage d’hommes et de femmes de terre et de feu.
Dans une ville marquée par la céramique, il perpétue à sa manière un autre art du façonnage : celui de l’image et de l’âme. L’église Sainte-Anne/Saint-Martin devient ainsi, le temps d’une semaine, un sanctuaire de création vivante.
Faire découvrir l’iconographie, voilà l’ambition profonde d’Oscar. Un art parfois méconnu, souvent réduit à sa dimension religieuse. Lui en révèle la force narrative, symbolique, existentielle.
Par ses cours et ses ateliers, il enseigne une lecture du monde. L’image devient langage. Et chaque élève, en se confrontant aux figures, aux archétypes, trouve une manière de raconter sa propre histoire.
L’exposition est donc plus qu’un accrochage. Elle est une mise en lumière de parcours, un dialogue de regards, une polyphonie d’expériences.
Oscar Brask ne cherche ni la reconnaissance, ni la performance. Son art est humble. Il parle de ses élèves avec admiration, et se contente de « montrer un petit peu ce que je fais ».
Mais dans cette retenue se cache une immense générosité. Car il transmet sans relâche. Non pas pour former des artistes professionnels, mais pour libérer des gestes, des intuitions, des voix.
Il est de ces enseignants qui ne forment pas des élèves, mais des individus. Il ne délivre pas de leçons, il accompagne des révélations.
La phrase, prononcée presque au passage dans l’interview, dit beaucoup. Oscar n’impose pas sa présence. Il la glisse, avec douceur. Pourtant, elle est essentielle.
Car si cette exposition existe, c’est aussi grâce à lui. À son engagement, à sa patience, à son regard bienveillant. Et derrière chaque œuvre présentée, il y a un peu de sa main, de son souffle, de sa foi en l’autre.
L’église Sainte-Anne/Saint-Martin n’abrite pas seulement une exposition. Elle devient un lieu d’expérimentation sociale et artistique. On y entre comme dans un atelier, on en ressort avec des questions, des émotions, des envies.
Entre les murs sacrés, l’art retrouve une fonction spirituelle. Il ne prêche pas une religion, mais une ouverture. Une écoute du monde. Une acceptation des fragilités.
À l’heure où les images saturent notre quotidien, Oscar Brask en rappelle la puissance originelle. Loin des écrans, ses icônes reconnectent à l’essentiel. Elles racontent, elles interpellent, elles guérissent parfois.
Et dans les yeux de ses élèves, dans leurs gestes, dans leurs choix de couleurs ou de sujets, transparaît cette alchimie. Ce lien fragile et fort à la fois, entre le regard et l’âme.
L’exposition à Vallauris est un événement discret, mais fondamental. Elle ne fait pas les gros titres, mais elle dit quelque chose de précieux sur notre époque. Sur la manière dont l’art peut encore rassembler, éveiller, transmettre.
Oscar Brask n’est pas une star de l’art contemporain. Il est mieux que cela : un guide, un tisseur de liens, un maître d’humanité. Et à travers lui, c’est toute une génération d’élèves qui trouve un chemin vers elle-même.
Du 7 au 14 juin 2025
Église Sainte-Anne/Saint-Martin, Vallauris
9h – 18h
Entrée libre. Présence des artistes et médiateurs sur place.
DB+IA 11/06/2025