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Installée à Vallauris, berceau historique de la céramique, Juliana façonne chaque jour des objets qui racontent son amour pour la mer et la mythologie grecque. En reconversion après une carrière dans la communication réglementaire, elle a trouvé dans la céramique une nouvelle manière de s’exprimer, entre artisanat méticuleux et quête personnelle.
Derrière le comptoir d’un petit atelier partagé à Vallauris, Juliana accueille les visiteurs avec le sourire franc de celles qui ont trouvé leur voie. Sa voix se pose, tranquille, sur les souvenirs récents d’une reconversion inattendue : « Je fais de la céramique depuis un an. C’est une nouvelle façon pour moi de m’exprimer. En fait, j’ai un amour pour la mer et la mythologie grecque. Donc, c’est ma nouvelle façon d’exprimer ça. »
Avant de découvrir l’argile, Juliana évoluait dans un tout autre univers : celui des affaires réglementaires, en lien avec la communication. Un travail derrière un écran, qu’elle a choisi de quitter radicalement. « J’en avais marre de travailler sur ordinateur, raconte-t-elle. Je voulais faire quelque chose avec mes mains. Arrêter d’être face à un écran. »
Sa transition vers l’artisanat s’est construite méthodiquement. Juliana s’est inscrite à l’école de céramique Grandjean, une référence dans le domaine. « J’ai postulé et j’ai été prise pour faire la formation professionnelle. » C’est là qu’elle rencontre celle qui deviendra sa collègue et cofondatrice de leur boutique.
Avec Lola, elle décide de s’installer dans un local au cœur de Vallauris, haut lieu de la céramique depuis l’après-guerre, rendu célèbre notamment par Picasso. « Nous nous sommes rencontrées à l’école Grandjean et ça fait maintenant un an et demi que nous travaillons ensemble. Nous partageons l’espace », précise Juliana.
Contrairement à d’autres artisans qui racontent une passion remontant à l’enfance, Juliana n’avait aucun lien avec la céramique avant sa reconversion. « Non, du tout. C’est devenu une nouvelle passion, confie-t-elle. Par contre, la mythologie, la mer, la plage, ça c’est depuis toujours. »
Ce sont ces thèmes fondateurs qui irriguent désormais ses pièces : plats, assiettes, sculptures, vases aux lignes marines et aux textures ondulantes. Un univers personnel qu’elle souhaite transmettre, au-delà de l’objet. « Je veux transmettre une beauté intemporelle. »
Plus qu’un métier, la céramique est devenue pour Juliana un moyen de se relier aux autres et au monde. « Je pense qu’on peut connecter, faire des connexions. J’essaie d’apporter ma propre patte, surtout ici, à Vallauris. »
Son installation dans la ville ne doit rien au hasard. « Ici, nous sommes dans un local qui fait partie de l’histoire de Vallauris. Donc ça fait plaisir », dit-elle, presque émue. Pour elle, ouvrir cette boutique fut un aboutissement. « Avant, j’étais à la pépinière Avarice juste après la formation. Et après six mois, je me suis installée avec ma collègue. C'était le but. »
Loin des clichés romantiques sur l’artisan au geste libre, le quotidien de Juliana est rythmé par la patience, la précision et l’exigence technique. Car l’argile ne se laisse pas apprivoiser si facilement.
« Le souci avec la terre mêlée, c’est qu’il faut sécher très très lentement. Sinon, j’ai des fissures. » Pour ralentir ce processus, toutes ses pièces sont recouvertes de plastique sur les étagères de l’atelier. « Par exemple, j’ai des assiettes qui sont en train de sécher. Là, on voit la différence de couleur : l’une est beaucoup plus sèche, l’autre encore fraîche. Et dans cet état, c’est très fragile. »
Les étapes s’enchaînent, longues et répétitives, parfois invisibles pour le visiteur. Une simple assiette peut demander plusieurs semaines de travail. « Ça dépend du temps de séchage, précise Juliana. Et après, toutes mes pièces, je les ponce à la laine d’acier. 100 % de ma production. Ça prend énormément de temps. »
Même un simple plat à sushis nécessite une série d’interventions. Juliana le façonne, l’affine à la main, le laisse sécher lentement, le ponce, puis l’enfourne, le glace, parfois le grave. Certains vases, comme les « vases polis », demandent encore plus de patience. « Ils prennent très longtemps parce qu’il faut qu’ils sèchent longtemps avant que je puisse faire la gravure. »
Comme souvent en céramique, le hasard a aussi son mot à dire. Juliana raconte une anecdote significative sur le choix de la terre qu’elle utilise aujourd’hui. « Je ne comptais pas travailler cette terre au départ. Mais quand j’ai commandé mon four, j’ai reçu cinq kilos de cette terre. »
Curieuse, elle décide de l’essayer sur une petite sculpture. « Et en travaillant cette terre, quelque chose s’est passé. » Une rencontre tactile, une révélation. Depuis, elle a décidé de garder cette terre pour toute sa production. Une décision intuitive, comme beaucoup de celles qui ont façonné son parcours.
Même si Juliana consacre la majorité de son temps à la vaisselle — assiettes, plats, bols —, elle s’autorise aussi des pièces uniques. « Parfois, je fais aussi des sculptures, comme les lions là-bas. » Un besoin de se libérer du fonctionnel, pour aller vers l’expressif. Une liberté qu’elle revendique comme essentielle dans sa pratique.
Le parcours de Juliana est à la fois singulier et emblématique d’une génération en quête de sens. Son envie de quitter un métier intellectuel pour un travail manuel, son attrait pour le patrimoine local, son ancrage dans une histoire collective — celle de Vallauris — témoignent d’une reconversion réussie et d’une profonde cohérence personnelle.
Si ses pièces évoquent l’Antiquité et les rivages méditerranéens, elles sont aussi porteuses d’une histoire moderne : celle d’une femme qui a choisi de changer de cap pour mieux se retrouver.
DV + IA