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Au cœur des paysages provençaux, un nom résonne avec fierté et tradition : Lo Fraires. En provençal, cela signifie « les frères ». C’est aussi le nom que Quentin Pierrisnard et son frère ont donné à leur Groupement Agricole d’Exploitation en Commun (GAEC). Un clin d’œil à leur lien fraternel, mais aussi à la solidarité paysanne qui les anime.
Quentin, la trentaine alerte et le verbe franc, revendique une passion chevillée au corps : celle de cultiver la terre, d’élever des bêtes, et de maintenir vivant le tissu rural dans lequel il a grandi. « Notre passion, c'est entretenir les territoires, faire vivre notre village dans lequel on est né », affirme-t-il avec simplicité.
Dans ce coin du Sud-Est, l’agriculture reste une affaire de lien au sol, d’attachement à des valeurs. Ici, pas de grande exploitation industrielle, mais une structure à taille humaine où chaque décision est prise en pensant à la durabilité et à la communauté.
Si Quentin et son frère ont commencé à fréquenter les marchés cette année, c’est encore la vente directe qui constitue le cœur de leur activité. « On vend principalement à la ferme », explique-t-il. Cette proximité avec les consommateurs leur permet de valoriser leurs produits tout en gardant un contact direct avec celles et ceux qui les consomment.
Sur l’étal, des produits soigneusement emballés, fruits d’un travail méticuleux. « Celles-là, elles sont déjà emballées en sachet de cinq kilos, et celles-là c’est en vrac », explique-t-il à un client, soucieux de transparence. Il s’assure aussi de transmettre les bons conseils de conservation : « Il faut les garder bien à l'ombre, couvertes et au frais. »
Cette attention portée au détail n’est pas un hasard. Elle est le reflet d’une volonté de bien faire, dans un monde agricole souvent mis à rude épreuve.
Premier défi : la météo. Et dans cette région, les aléas climatiques ne sont pas qu’une abstraction. « Si on prend un orage de grêle, on perd une récolte. S'il y a du gel, on peut perdre une récolte aussi. » L’agriculture, ici, se fait avec l’œil rivé au ciel.
Les épisodes de grêle ou de gel peuvent ruiner plusieurs mois d’efforts. Les techniques évoluent, mais face à la puissance des éléments, l’homme reste vulnérable. L’anticipation devient alors un réflexe, une nécessité vitale.
Et cette instabilité pèse aussi sur l’élevage.
Élever des ovins, c’est une autre forme d’engagement. « C’est aussi les aléas des naissances, il faut y être le jour, la nuit, il faut être présent auprès des bêtes », dit Quentin. Loin du cliché bucolique, le métier est exigeant, physique, et demande une disponibilité totale.
À cela s’ajoutent les menaces plus discrètes mais tout aussi redoutables : les prédateurs. Leur présence croissante dans certaines zones rurales impose des mesures de protection toujours plus élaborées, entre clôtures renforcées et veilles nocturnes.
Quentin ne s’en plaint pas. Il constate, constate seulement. Avec calme, mais sans naïveté.
Le GAEC Lo Fraires ne se limite pas à l’élevage. La production végétale occupe aussi une place essentielle dans l’exploitation. « Produire des belles plantations », dit Quentin, sans entrer dans les détails. Derrière ces mots, on devine des cultures diversifiées, une recherche de qualité, et une attention constante à l’adéquation entre sol, climat et produit.
Cette dualité élevage/cultures témoigne d’une volonté d’équilibre dans l’exploitation, et d’un modèle agricole encore possible malgré les incertitudes du secteur.
Ce qui frappe chez Quentin, c’est cette combinaison rare entre enracinement local et vision d’avenir. Pas de nostalgie passéiste ici, mais une énergie tournée vers la résilience, l’adaptation, la transmission.
Dans un monde agricole en pleine mutation, entre crises économiques, dérèglements climatiques et perte de sens, la trajectoire de Quentin Pierrisnard témoigne d’une autre voie possible : celle de l’engagement de proximité, de la passion durable, du respect du vivant.
En relançant une activité agricole au sein même de leur village natal, lui et son frère incarnent une dynamique que de plus en plus de jeunes agriculteurs souhaitent retrouver : produire, certes, mais aussi appartenir. Travailler, mais aussi habiter. Cultiver, mais surtout, faire société.
DB+IA 05/09/2025