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Sous le ciel clair de Vallauris, entre mer et collines, une voix s’élève avec douceur et fierté. Celle de deux habitants ancrés dans une terre marquée par l’histoire du bigaradier — l’oranger amer — et par la mémoire vivante d’un patrimoine olfactif et agricole transmis de génération en génération.
Tout commence par un souvenir. Le bigaradier, explique un premier intervenant, suit un cycle précis : d’abord les feuilles, puis les fleurs. Cette chronologie naturelle, transmise oralement de génération en génération, devient presque un conte initiatique. « D’abord il fait des feuilles. Quand il a suffisamment de feuilles, il fait des fleurs », se souvient-il. Les feuilles, vert clair au départ, foncent avec le temps — comme la mémoire, qui se densifie à force d’années.
Le lien avec l’arbre est intime, quasi charnel. Observer ses boutons floraux à différents stades de maturité, savoir les cueillir sans les abîmer, respecter les rangs, c’est tout un art. Une délicatesse quotidienne qui traduit l’attachement profond à cette culture locale.
Le second intervenant — prénommé René, « au féminin » comme elle le précise avec malice — ancre davantage encore ce lien à la terre dans la profondeur du temps. Ici, chaque arbre est un témoin : planté à la fin du XIXᵉ siècle par son grand-père et l’arrière-grand-père de celui-ci, le verger est une archive vivante.
L’histoire de Vallauris se lit dans ces alignements d’orangers. Ils rappellent les jours de gloire, les récoltes florissantes, et surtout les gestes anciens. « L’année la plus prospère, ils ont initié 80 000 kilos de fleurs par jour », précise René. Un chiffre vertigineux qui dit la richesse d’un temps révolu, mais aussi la fierté d’un savoir-faire local.
À ces floraisons répondent des effluves. L’évocation des alambics en famille de 5 000 litres réactive les souvenirs olfactifs et sonores : les bouillonnements, les vapeurs, les parfums d’antan. Une époque où les familles vivaient au rythme des récoltes et de la distillation.
Dans les souvenirs de René, il y avait « toute une chaîne ». Une chaîne humaine, artisanale, patiente, qui portait en elle une économie locale mais aussi un tissu social dense, aujourd’hui menacé de disparition.
Cette phrase résonne comme une déclaration. Loin d’un passé figé dans la pierre, ce patrimoine est vivant. Il pousse, il fleure, il se transmet. Il dépend des gestes, des souvenirs, de la mémoire partagée d’un territoire.
Vallauris ne se contente pas de regarder son passé avec nostalgie. Par ces témoignages, elle montre qu’un futur est encore possible pour le bigaradier. Il suffit de l’écouter, de le regarder, et surtout de continuer à le cultiver — avec soin, avec respect, comme le faisaient les anciens.
BP + IA
9 mai 2025