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Dans les plis du papier, Rie Jousselin-Okamoto trouve un apaisement, une harmonie, une vocation. Cette Franco-Japonaise a fait de l’origami bien plus qu’un art décoratif : un outil de transmission, de lien et de soin, qu’elle déploie dans les écoles, les musées, mais aussi dans des centres Alzheimer. Un parcours singulier, né à Copenhague et nourri par une passion ancestrale.
Rie Jousselin-Okamoto se présente sans détour : « Bonjour, je m'appelle Rie. Je fais de l'origami. » Derrière cette simplicité, une richesse culturelle et historique immense. L’origami – contraction des mots japonais ori (plier) et gami (papier) – plonge ses racines dans l’ère japonaise, bien avant l’époque des samouraïs. D’abord spirituel, souvent offert en offrande dans les temples, l’art du pliage devient progressivement un langage visuel, structuré autour de figures symboliques.
Parmi elles, la grue – tsuru en japonais – occupe une place à part : « C’est une forme classique, authentique. Elle symbolise la longévité. Au Japon, elle porte bonheur. » Offerte lors de mariages ou de fêtes, elle est réputée vivre plus de 50 ans en couple. Rie, dans sa pratique, y voit plus qu’un motif : une onde, une vibration positive.
« Je trouve qu’elle dégage une bonne énergie », confie-t-elle, en désignant également le phénix, dérivé de la grue, ou encore ses variantes animalières : perroquets, perruches, chauves-souris. Des figures qui racontent autant qu’elles décorent.
Si l’origami est son métier, Rie insiste : c’est aussi un parcours intime. L’histoire commence à Copenhague, en 2016. Elle y vit, loin de la France et du Japon, et c’est une amie française qui lui propose un atelier de culture japonaise. « J’ai vu que ça plaisait beaucoup aux enfants. »
Ce premier pli professionnel en entraîne d’autres. De retour en France, après sa rencontre avec celle qui deviendra sa femme, elle décide de transformer cette expérience en mission. « Je me suis dit : je vais faire ça dans les écoles. »
De cette impulsion naît un projet éducatif et culturel, qu’elle déploie à travers la France. Rie intervient aujourd’hui régulièrement au musée des Arts asiatiques de Nice, et multiplie les ateliers à destination de publics très variés.
L’origami, tel que Rie le pratique, dépasse le simple cadre esthétique. Elle en explore toutes les vertus pédagogiques et thérapeutiques. « Même les enfants qui ont des problèmes, qui sont hypersensibles, aiment ça. »
Ce n’est pas anodin. Car plier du papier, c’est entrer dans une forme de rituel. Des gestes simples, répétés, structurants. Pour les enfants, c’est une école de patience, de motricité fine, mais aussi un moment de calme. Pour les adultes, c’est souvent une redécouverte.
Elle travaille ainsi avec des publics plus âgés, dans des centres spécialisés Alzheimer : « Ça plaît bien, parce que ce sont des gestes réguliers, ça favorise la mémoire. »
Loin des écrans, du tumulte du quotidien, l’origami impose une cadence lente. Un repli sur soi, dans tous les sens du terme. « À force de plier, on ne réfléchit pas. On suit le mouvement, le même geste, le même pli. »
Ce mécanisme a un effet apaisant, presque méditatif. Il « stoppe le mental », selon Rie. Un constat partagé par de nombreux praticiens de disciplines proches, comme la calligraphie, l’ikebana (art floral) ou encore la méditation. L’origami devient alors un art de présence.
Rie en fait un outil de bien-être, qu’elle transmet avec douceur, sans dogmatisme. Dans ses ateliers, chacun peut trouver sa place, son rythme, son pli.
L’efficacité de l’origami sur la concentration et la détente n’est plus à prouver. Dans les écoles, il aide à canaliser l’attention. Chez les seniors, il stimule la mémoire. Dans tous les cas, il relie le corps et l’esprit, les générations, les cultures.
Rie s’inscrit dans une tradition vivante, entre mémoire et innovation. Elle ne se limite pas aux pliages classiques, bien qu’elle en maîtrise tous les codes. « Il y a beaucoup d'Origami moderne », dit-elle, évoquant les formes plus contemporaines qui s’éloignent des figures traditionnelles, au profit de créations abstraites ou expérimentales.
Mais elle reste attachée à l’authenticité : « Ceux-là, comme la grue, ce sont des formes classiques. » Des repères, en somme, dans un monde en mouvement.
Ce que Rie construit, pli après pli, c’est un réseau de transmission silencieuse. Pas besoin de longs discours pour apprendre à plier une grue. Juste un regard, un geste. L’origami, dans sa pratique, devient une langue universelle.
Dans les musées, les écoles, les centres de soins, Rie Jousselin-Okamoto crée des ponts. Entre les âges. Entre les cultures. Entre l’intime et le collectif. Sa double identité franco-japonaise lui permet d’incarner ce trait d’union, dans un monde où la lenteur devient une forme de résistance.
Il faut peu de choses pour faire de l’origami : une feuille de papier, un peu de temps, un espace de calme. Pourtant, cet art modeste peut transformer une journée, un atelier, une vie. C’est ce que raconte Rie, sans emphase, mais avec conviction.
Dans un monde saturé de sollicitations, où la créativité est souvent confondue avec la performance, elle rappelle qu’il existe une autre voie : celle du geste répété, du soin apporté au détail, de l’attention silencieuse.
Rie Jousselin-Okamoto n’a pas seulement choisi l’origami comme métier. Elle en a fait une philosophie. Une manière d’être au monde. De prendre soin, de transmettre, de relier. Sans bruit, sans écran. Avec du papier, de la patience et un sens aigu du vivant.
Dans ses ateliers, chacun repart avec plus qu’un objet : une expérience, une trace, un instant de calme. Loin des discours, dans le silence feutré des feuilles pliées, elle enseigne une leçon essentielle : parfois, pour avancer, il faut d’abord savoir plier.
DV + IA