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Et si marcher, c’était aussi raconter ? C’est le pari que fait Sophie Spilliaert avec un projet inédit : un livre qui mêle randonnée et fiction pour faire redécouvrir les mythiques Routes du Sel. Cheffe du service « activités de pleine nature et montagne » à la Métropole Nice Côte d’Azur, cette passionnée de sport et de grands espaces a supervisé la création d’un topo-guide romancé retraçant une traversée de dix jours entre Nice et Cunéo.
Dès les premières secondes de l’interview, le ton est donné : on ne parle pas ici d’un simple guide technique pour marcheurs aguerris, mais d’un objet hybride, à la croisée du carnet de route, du roman d’aventure et du témoignage historique. Une proposition originale pensée pour capter un large public, autant attiré par la marche que par les histoires humaines.
« On a rédigé trois romans avec des héros fictifs », explique Sophie Spilliaert. Le lecteur suit donc des personnages inventés, qui incarnent les marcheurs modernes, tout en plongeant dans les réalités des routes ancestrales. Une manière de vulgariser les savoirs historiques en leur donnant chair et souffle.
Le fil rouge du projet, c’est le sel. Autrefois monnaie précieuse, cette ressource vitale était transportée depuis les Salins d’Hyères jusqu’à l’Italie, via un réseau de sentiers aujourd’hui tombés dans l’oubli. « Les gens qui apportaient le sel redescendaient derrière avec des marchandises », rappelle Sophie Spilliaert.
L’ouvrage s’appuie sur les recherches d’un historien de l’association l’Amont, basée à Saint-Martin-Vésubie. Ce partenariat a permis d’ancrer le récit dans des faits réels, tout en laissant place à l’imaginaire. Les lecteurs-marchands deviennent alors les héritiers de ces caravanes oubliées, remontant les cols escarpés avec pour seule boussole la mémoire des anciens.
Le parcours proposé s’étire sur dix jours, du bord de mer méditerranéen jusqu’aux vallées italiennes. Chaque étape est l’occasion d’un dépaysement : d’abord Aspremont, « un très beau village perché avec vue sur mer », puis Saint-Martin-Vésubie, Notre-Dame de Fenestre, et enfin le col de Fenestre, porte d’entrée vers l’Italie.
« Là, on est vraiment sur une petite crête », décrit Spilliaert avec des étoiles dans les yeux. Ce passage symbolique marque la bascule entre deux pays, deux cultures, mais un même territoire de montagne unifié par l’histoire du sel.
Le parcours traverse deux parcs naturels : le parc national du Mercantour côté français, et le parc Alpi Marittime côté italien. Deux réserves qui offrent une biodiversité exceptionnelle, renforçant encore l’immersion dans une nature préservée.
Au-delà de la beauté des paysages, ce projet met en lumière un lien direct avec ceux qui ont parcouru ces sentiers bien avant nous. « Les chemins étaient empruntés par les caravanes et les caravaniers à l’époque », rappelle Sophie Spilliaert.
Remonter ces routes, c’est marcher avec l’histoire. C’est aussi faire corps avec un territoire qui, bien que frontalier, s’est toujours vécu en continuité. À l’heure où les frontières politiques redeviennent visibles, ce type de projet rappelle que les montagnes, elles, n’ont jamais séparé les hommes : elles les ont rassemblés.
Ce topo-guide romancé illustre parfaitement la manière dont les collectivités peuvent faire vivre leur patrimoine en le rendant accessible, sensible et attractif. « J’adore randonner, la plongée sous-marine, les sports de nature en général », confie Sophie Spilliaert. Sa passion personnelle irrigue clairement ce projet collectif, pensé pour transmettre autrement.
À la croisée de la culture, de la valorisation touristique et de la pédagogie, ce livre s’adresse aussi bien aux familles qu’aux marcheurs aguerris, aux enseignants qu’aux curieux. En faisant le choix de la fiction, il ouvre une nouvelle voie pour raconter les territoires : par les pieds, mais aussi par le cœur.
DB+IA 30/04/2025