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Sophie Vallet Chevillard, semencière militante : « Remettre des légumes issus de semences paysannes dans nos assiettes »
À la fête de la transhumance, Sophie, productrice paysanne et co-présidente de la Maison des semences paysannes Alpines, plaide pour une agriculture résiliente et enracinée dans la biodiversité locale. Rencontre avec une militante de la semence, engagée dans la sauvegarde des variétés oubliées.
Sophie se présente simplement : elle est productrice paysanne, mais pas n’importe laquelle. Elle cultive et sélectionne des semences paysannes, ces graines anciennes souvent absentes des circuits commerciaux. Une mission qu’elle considère comme un acte de résistance.
« J’ai vraiment à cœur de retrouver ces variétés-là », confie-t-elle. « Œuvrer à ma petite échelle contre la perte de la biodiversité cultivée, c’est mon engagement quotidien. »
Dans un contexte où l’agro-industrie standardise les cultures, Sophie s’attache à préserver la diversité des plantes potagères, adaptées à leur terroir et capables de résister aux changements climatiques sans intrants chimiques. Elle rappelle que cette biodiversité est une richesse aussi bien écologique que culturelle.
À la tête de la Maison des Pemences Paysannes Alpines, Sophie anime un réseau d’agriculteurs, de jardiniers et de citoyens engagés. Leur but : remettre sur le devant de la scène des variétés locales disparues ou en voie de disparition.
L'association agit concrètement : formations, échanges de graines, sensibilisation du grand public. Chaque initiative contribue à restaurer une biodiversité menacée, souvent ignorée du grand public. « Les Alpes-Maritimes font partie des territoires où cette biodiversité a aussi disparu », souligne-t-elle.
Parmi les exemples les plus concrets de ce travail de réhabilitation, Sophie cite l’oignon rouge de Menton. Cultivé autrefois dans l’arrière-pays mentonnais, ce bulbe à la robe pourpre et à la saveur douce avait presque totalement disparu.
« Maintenant, on est à la quatrième édition de l’oignon rouge de Menton », annonce-t-elle avec fierté. « Le succès dépasse même nos espérances. On rassemble quasiment une tonne d’oignons à la fête. En quatre ans, la production globale a dépassé les deux tonnes. »
Un tel renouveau ne se limite plus au cercle restreint des producteurs engagés : il touche aussi les jardiniers amateurs, les restaurateurs, et les consommateurs curieux. L’oignon, redevenu emblème local, incarne à lui seul la capacité d’un territoire à se réapproprier son patrimoine agricole.
Autre symbole fort de cette reconquête : le maïs paysan. À rebours du maïs industriel jaune uniforme, les variétés locales offrent une richesse visuelle et génétique fascinante.
« Là, c’est un maïs doux, mais pas juste un grain jaune », explique Sophie. « On en a des rouges, des jaunes, des multicolores, des grains arc-en-ciel. »
Derrière cette palette éclatante se cache une diversité agronomique essentielle. Chaque couleur, chaque forme traduit une histoire, une adaptation, une résistance. C’est toute une généalogie de la terre qui s’exprime dans ces grains bigarrés.
Loin de se limiter à la nostalgie ou au folklore, l’action de Sophie et de son association répond à des enjeux cruciaux. La résilience alimentaire, la lutte contre l’érosion génétique, la souveraineté semencière… autant de combats qui prennent racine dans les gestes simples du semis, du bouturage, de la récolte.
À la fête de la transhumance, cette année encore, les stands de la Maison des Semences Paysannes Alpines, attirent les curieux. Ils repartent souvent avec un sachet de graines, mais aussi avec une prise de conscience.
Tel est l’objectif affiché par l’association. Recréer le lien entre les graines, les producteurs et les mangeurs. Rappeler que ce qui pousse dans nos champs et dans nos potagers dépend des choix faits aujourd’hui, et qu’il est possible de cultiver autrement.
SDZ + IA