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C’est par cette phrase que Sylvain Kley amorce son témoignage. Pour lui, le geste du boucher relève de la précision quasi chirurgicale. Cette approche minutieuse, il la revendique avec fierté. « Il y avait une campagne publicitaire : Boucher est un artiste. Oui, la découpe de la boucherie est précise. Elle est telle, on va dire, tel un chirurgien », raconte-t-il. Ce lien entre technique et esthétique, entre savoir-faire et maîtrise, fonde sa vision du métier.
Au-delà de l’image d’Épinal du boucher au tablier taché, c’est une profession exigeante qu’il décrit, exigeante en technique mais aussi en éthique.
Ce qui anime Sylvain Kley au quotidien, c’est la relation humaine. Derrière le comptoir, il ne se contente pas de vendre de la viande : il tisse des liens. Pour lui, le commerce est d’abord une affaire de proximité, de confiance, de dialogue. « Je pense que la relation, quand on est commerçant, si on n’est pas humain, on ne peut pas être commerçant », affirme-t-il.
Cette posture, il l’applique depuis deux décennies, dans une boucherie qu’il a reprise à son ex-beau-père, installé là depuis 1985. Un héritage qu’il assume pleinement, tout en y insufflant sa propre vision, plus responsable, plus engagée.
Précurseur sur les questions environnementales et de traçabilité, Sylvain Kley fait figure de pionnier. Bien avant que le bio devienne un argument marketing, il choisit de s’approvisionner exclusivement en viande issue de l’agriculture biologique. « C’est pour ça que la boucherie s’appelle Boucherie Bio. On a su se démarquer », explique-t-il.
Il va chercher ses fournisseurs jusque dans les terres lozériennes, pour garantir une qualité irréprochable. Ce choix ne relève pas d’une opportunité commerciale mais d’une conviction profonde. Défendre un modèle plus sain, plus respectueux des animaux, de la nature et du consommateur.
Installé depuis de longues années dans le même quartier, Sylvain Kley en est devenu l’un des témoins les plus attentifs. Il a vu les transformations, les phases de déclin comme les tentatives de renaissance. « Je connais bien le quartier. J’ai vu les évolutions qu’a faites l’ancienne place, la nouvelle place, les nouveaux bâtiments qui ont été construits », énumère-t-il.
Il évoque avec lucidité les projets de redynamisation commerciale initiés par la municipalité. Des commerces intégrés aux nouvelles constructions, censés redonner vie à un quartier autrefois en difficulté. Une dynamique qu’il observe, qu’il soutient, mais dont il souligne aussi la fragilité.
Car pour Sylvain Kley, la revitalisation ne dépend pas uniquement des institutions ou des commerçants. Elle suppose un engagement collectif, celui des habitants, des consommateurs. « C’est facile de dire : je suis content, il y a un boulanger, et compagnie. Mais si vous n’allez pas chez le boulanger, il ne va pas tenir longtemps », prévient-il.
C’est un appel à la responsabilité locale. Acheter chez les commerçants de quartier, c’est les faire vivre, mais aussi faire vivre tout un écosystème. Celui d’un quartier qui, sans cette énergie partagée, pourrait bien retomber dans l’oubli.
Le portrait de Sylvain Kley dépasse celui du simple artisan. Il incarne une génération de commerçants profondément ancrés dans leur territoire, porteurs de valeurs fortes : exigence du travail bien fait, respect de l’environnement, et foi dans le lien humain.
Son parcours, entamé à l’adolescence, se prolonge aujourd’hui dans une boucherie qui porte sa vision, ses engagements. Une boucherie qui n’est pas seulement un lieu de vente, mais un espace de dialogue, de transmission et de résistance à la standardisation des rapports humains et commerciaux.
À l’heure où les centres-villes peinent à garder leur âme, où les commerces de proximité luttent contre la concurrence des grandes surfaces et du commerce en ligne, l’exemple de Sylvain Kley rappelle qu’un autre modèle est possible. Un modèle plus lent, plus ancré, plus sincère.
Ce modèle ne tient pas qu’à la qualité des produits. Il tient aussi — surtout — à la qualité de ceux qui les proposent. Sylvain Kley en est la preuve vivante. Artisan, commerçant, mais surtout humaniste.
SDZ + IA