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Face à l'essor de l'intelligence artificielle, le scénariste et réalisateur Thomas Bidegain interroge l'impact des nouvelles technologies sur le cinéma. Rencontre au WAiFF, un festival dédié aux images animées et aux innovations.
Thomas Bidegain est venu au festival par curiosité. Attiré par les nombreux fantasmes qui entourent l'intelligence artificielle, il voulait confronter ses attentes à la réalité. « J'avais envie de voir ce que font vraiment les créateurs avec l'IA », explique-t-il. Scénariste reconnu, il porte un regard critique mais ouvert sur ces nouvelles formes d'expression.
Dans un monde saturé de discours sur les potentialités de l'IA, Bidegain cherche à comprendre ce qui se passe réellement sur le terrain artistique. Son objectif : observer comment les créateurs s'emparent de ces outils, au-delà des slogans technophiles.
Le défi principal selon lui ? Évaluer des œuvres radicalement nouvelles. « Ce qui est difficile, c'est de juger des choses qui sont neuves, où on a peu de référents », constate-t-il. Face à des images inédites, le spectateur est souvent désorienté : doit-il juger la prouesse technique, l'originalité, ou la capacité de l'œuvre à émouvoir ?
Thomas Bidegain tranche : pour lui, le critère premier reste émotionnel. « Moi, comme je viens du cinéma, j'ai jugé avant tout sur les personnages, les émotions », affirme-t-il. Plus que la virtuosité, il cherche la résonance intime, ce frisson qui lie un spectateur à une histoire.
C'est cette interrogation centrale qui motive sa venue au festival : « Est-ce qu'on arrive à produire des émotions avec un robot ? » Pour Bidegain, toute la question de l'IA créative tient dans cette capacité à toucher le spectateur.
En creux, il s'interroge aussi sur le risque d'une production audiovisuelle qui se contenterait d'imiter l'existant sans chercher à explorer de nouvelles voies sensibles.
Quant à l'utilisation de l'intelligence artificielle, Thomas Bidegain prévient : « Est-ce qu'on va l'utiliser pour refaire exactement ce qu’on faisait avant en moins cher ? Pas sûr que ce soit une bonne idée. »
À ses yeux, l'innovation ne doit pas être un simple levier d'optimisation économique. Chaque média, estime-t-il, doit développer « sa grammaire, sa façon de parler, ses images ». Or, selon lui, l'IA est encore dans cette phase de recherche, tâtonnant pour inventer un langage propre.
Fort de quelques expérimentations personnelles avec différents logiciels d'IA générative, Bidegain reste prudent. « Je n'ai pas le sentiment que ça soit encore formidable pour le cinéma », confie-t-il.
Il nuance toutefois son propos : l'IA pourrait avoir une utilité immédiate pour des formats plus industriels, notamment les séries télévisées. « Si vous avez fait 200 épisodes de New York Section Criminelle, le 201ᵉ, à mon avis, il va réussir à le deviner », ironise-t-il.
Le cinéma, par essence, cherche l'exception, l'unique. Là où la série peut se satisfaire d'une certaine répétition, le septième art réclame toujours du neuf, de l'inédit, du bouleversant.
Le regard de Thomas Bidegain sur l'intelligence artificielle est lucide et nuancé. Il ne rejette pas la technologie, mais rappelle que l'essence de l'art réside dans l'émotion. Alors que les outils numériques se perfectionnent, c'est dans leur capacité à générer du vivant, du sensible, que se jouera leur véritable révolution artistique.
DB+IA 29/04/2025