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Il est à peine 20 heures lorsque les gradins du fronton cannois commencent à se remplir. L’événement est rare : la ville accueille la finale du championnat de France de pelote basque, deuxième série. Une affiche prometteuse entre Guéthary et Bidart, deux bastions du Pays basque, connus pour leur intensité de jeu et leur sens tactique.
« Ce soir (samedi 16 août), on reçoit la finale de championnat de France, deuxième série avec Guéthary contre Bidart », explique l’un des organisateurs dès l’ouverture du match.
Au-delà de l’honneur, l’enjeu est de taille. L’équipe victorieuse est assurée d’accéder à la première série l’année suivante, autrement dit : jouer parmi l’élite.
« L'équipe gagnante monterait en première série pour l'année prochaine. Donc c'est comme un principe de ligue. L'année prochaine, ils joueront avec les meilleurs. »
L’ambiance, à la fois conviviale et électrique, rappelle que la pelote n’est pas qu’un sport régional : c’est une passion, une culture, et parfois même une affaire de famille.
Dans les tribunes, les regards se croisent entre anciens et nouveaux visages du club local. Parmi eux, Tristan Bucci, silhouette bien connue du fronton cannois, suit la rencontre avec attention. S’il ne joue pas ce soir, il est partout. Présent, engagé, passionné. Et avant tout : enraciné.
« Moi je suis Bucci Tristan. Je suis cannois depuis la naissance et ma passion, la pelote basque grand chistera. »
Tristan incarne cette transmission intergénérationnelle de la pelote à Cannes. Une ville que l’on imagine rarement associée à ce sport basque, mais qui cultive pourtant, depuis des décennies, une tradition bien ancrée autour du mur.
La pelote basque, et en particulier le grand chistera, reste un sport encore méconnu du grand public. Tristan en explique les grandes lignes, avec pédagogie et enthousiasme.
« Il y a trois posts : l’arrière et deux avant, un buteur et un non buteur. Le principe, c’est sur un terrain de quinze mètres de large, 80 mètres de long, devoir taper le mur pour que l’adversaire la récupère et ainsi de suite. On fait des échanges, essayer de trouver la fenêtre pour marquer le point. »
Ce soir-là, l’échange entre Guéthary et Bidart atteint des sommets d’intensité. Les points s’enchaînent, les gestes sont précis, l’engagement total. Le score reste serré jusqu’au bout : 40 à 35 pour Guéthary, dans une ambiance de feu. Une victoire méritée qui envoie les joueurs vers la première série, sous les applaudissements nourris du public.
Si Cannes surprend comme lieu d’accueil d’une finale de pelote, c’est parce que la discipline a bel et bien ses racines sur la Côte d’Azur. Et la famille Bucci en est un témoin vivant.
« C'est un sport qui a de l'historique ici parce qu'à l'époque, mon grand-père était l'ancien président du club de Cannes. »
Mais avant le grand chistera, c’est une autre forme de pelote qui régnait à Cannes : la pelote provençale, qui se jouait... à main nue.
« Il jouait ce qu'on appelait la pelote provençale, qui consiste à renvoyer une balle contre le mur avec sa propre main. »
Le passage à la pelote basque marque une évolution, mais le fronton reste le cœur battant de cette culture sportive. Le mur, silencieux le jour, vibre chaque soir d’été sous les coups des joueurs, les cris des spectateurs et les applaudissements des passionnés.
Au-delà de la compétition, c’est la vie associative qui permet à la pelote de perdurer. Tristan le sait mieux que personne. Le club cannois ne dort jamais vraiment, même hors-saison. Tout l’été, des soirées sont organisées pour faire vivre le lieu et rassembler les amateurs.
« On fait des événements au cours de tout l'été. On fait des soirées donc tous les vendredis soir la plupart du temps, et bien on doit mettre la main à la pâte si on joue pas ou quoi que ce soit, pour faire vivre le club. »
Ce bénévolat invisible, essentiel à la survie du club, repose sur l’engagement des jeunes comme des anciens. Installer, ranger, accueillir, animer… Chaque geste compte.
C’est ce tissu de solidarité qui fait la force du club. Et c’est aussi ce qui permet d’organiser, à Cannes, des événements d’ampleur nationale comme cette finale.
La pelote, pour qui ne la connaît pas, séduit immédiatement par son intensité visuelle. Tristan s’en souvient encore : ses premiers pas au club ont été marqués par l’émerveillement.
« Le premier match est très spectaculaire et normalement on a des étoiles plein les yeux. On est vachement attiré beaucoup plus par ce sport. »
Le bruit sec de la balle contre le mur, la précision des passes, l’engagement corporel... tout fascine. C’est un sport d’adresse, de stratégie et de souffle. Une discipline exigeante, mais généreuse pour qui s’y consacre.
À Cannes, cette fascination continue de se transmettre. Chaque été, de nouveaux curieux franchissent les portes du fronton. Et grâce à des figures comme Tristan, la flamme ne faiblit pas.
En remportant la finale sur le score serré de 40 à 35, Guéthary inscrit son nom au palmarès, mais c’est toute la pelote qui en sort grandie. À Cannes, l’événement a été plus qu’un simple match : une démonstration de passion, de tradition et d’avenir.
Pour les spectateurs, la soirée restera gravée comme une parenthèse hors du temps. Pour les organisateurs, c’est la preuve qu’un fronton, même loin du Pays basque, peut faire battre le cœur de ce sport ancestral.
Et pour Tristan Bucci, c’est une confirmation : la pelote à Cannes n’est pas une anomalie, c’est une évidence.
RS + IA
19 août 2025