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Vincent Pailliez aime les formes, les matières… et les défis. Mouleur-stratifieur de formation, il travaille les composites comme un sculpteur du futur : du dessin à la pièce finale, il façonne sur mesure les objets imaginés par ses clients. « Je crée ce que le client veut. Je fais le moule, la pièce, les finitions. Je travaille les matières, les formes et les couleurs. »
Mais au-delà de la technicité, c’est une démarche responsable qui anime cet artisan pas comme les autres : celle d’un composite biosourcé, respectueux de l’environnement, dans un secteur encore largement dominé par la pétrochimie.
Rien ne prédestinait Vincent Pailliez à devenir l’un des rares artisans français engagés dans une fabrication de pièces composites écoresponsables. Il y a plus de cinq ans, il entame une reconversion en Atlantique et se forme au métier, aux côtés d’un mentor. Il apprend à travailler pour l’éolien, l’aéronautique, le nautisme… des secteurs exigeants où le composite règne.
Il découvre alors la puissance de ce matériau : léger, résistant, adaptable à presque toutes les formes. Mais aussi sa faiblesse majeure : l’absence de recyclabilité. À son arrivée dans la région, il lance sa propre entreprise et s’engage dans une démarche radicalement différente.
Installé en région PACA, Vincent ne chôme pas. Sa réputation s’est construite sur la polyvalence et l’écoresponsabilité. « Je reçois des demandes très variées, allant de la décoration au nautisme. Je suis débordé, j’embauche aujourd’hui. »
Il s’implique également dans les réseaux professionnels, et notamment dans le concours du Meilleur Ouvrier de France, où il souhaite faire connaître le potentiel du composite biosourcé. Une démarche encore rare, mais qui pourrait devenir essentielle pour l’avenir.
L’enjeu est clair : le composite traditionnel est une impasse environnementale. En France, il n’est pas recyclé. Il est brûlé ou enfoui, faute de filière adaptée. « Même dans l’aéronautique ou le nautisme, on n’a pas encore les solutions. »
Vincent plaide donc pour une alternative : des matériaux comme le lin, le chanvre, des résines biosourcées, des charges naturelles comme la silice ou le carbonate de calcium, et des pigments non polluants. Le tout en conservant les propriétés mécaniques et esthétiques recherchées.
À l’occasion du concours du Meilleur Ouvrier de France, toutes ses œuvres seront fabriquées à partir de matières naturelles. « Lin, chanvre, bambou… Ce n’est pas encore parfait, mais ça avance. » Une manière de démontrer que l’on peut allier création, technique et écologie.
Mais cette démarche a un prix. Littéralement. Le lin, par exemple, coûte cinq fois plus cher que la fibre de verre. « Un rouleau de lin, c’est environ 1 000 euros, contre 200 pour de la fibre de verre. » Et à cela s’ajoutent les coûts de recherche, les tests, les essais.
Le combat est aussi commercial. « La plupart de mes fournisseurs sont encore sous l’influence de la pétrochimie. Ils ne veulent pas faire d’efforts. Les produits pétrochimiques sont imbattables en prix. » Résultat : l’artisan se heurte à un marché peu favorable à l’innovation verte, où l’économie à court terme l’emporte souvent sur l’écologie à long terme.
Mais il persiste. Par conviction, mais aussi par goût du défi.
Créer des pièces plus vertueuses ne suffit pas. Il faut aussi penser à leur fin de vie. « Imaginez la difficulté de recycler mes pièces dans une déchetterie. Aujourd’hui, on ne sait pas les trier. » Il milite pour former les personnels des centres de tri, sensibiliser les clients, changer les mentalités.
Ses prototypes intègrent déjà ces réflexions : silice, carbonate de calcium, pigments naturels, résines époxy biosourcées. Des matières qui pourraient un jour être valorisées dans les déchets verts, mais encore méconnues des circuits de recyclage actuels.
Ce que Vincent Pailliez aime par-dessus tout dans son métier, c’est sa liberté. « Je peux faire une table, une chaise, réparer un bateau, fabriquer des pièces pour l’aéronautique, créer une déco sur mesure pour un restaurant… » La seule limite, dit-il, c’est l’imagination.
Il évoque aussi des usages innovants : résines alimentaires pour cuves viticoles, objets pour la restauration, éléments design ou techniques. Chaque jour est différent, chaque projet unique. « C’est ça qui est génial. Jamais de routine. »
DB+IA 08/04/2025