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À Coursegoules, petit village des Alpes-Maritimes, Xavier Rouxel incarne une boulangerie artisanale vivante, enracinée, et résolument tournée vers les autres. Entre sablés aux amandes, pain fermenté et four à bois centenaire, son quotidien dépasse la simple fabrication de pain : il cultive du lien, du goût, et un attachement profond à son métier.
Dès les premières minutes de l’entretien, le ton est donné. Xavier Rouxel pétrit, découpe, garnit ses moules tout en racontant. « Je vais préparer des sablés aux amandes et des amandines », explique-t-il devant sa pâte sucrée. Pas d’esbroufe. Juste un savoir-faire transmis, affiné, consolidé par l’expérience.
« Moi c’est Xavier Rouxel. Voilà, ma passion, c’est la boulangerie, rendre service aux gens et leur faire goûter surtout des bonnes choses. » Cette phrase résume tout. Le goût pour le bon, pour les autres, pour la main qui façonne. Il a fait un apprentissage, sans suivre la voie complète du compagnonnage, mais avec une curiosité intacte, forgée dans la diversité des boulangeries où il a exercé.
Au fil de son parcours, Xavier a connu des fours modernes, mais aussi ceux chargés d’histoire. Il évoque avec fierté un passage à Biot : « Je travaillais à Biot sur le four à bois. Il a pratiquement 200 ans, c’est la pierre de Biot. »
Ce four, longtemps resté silencieux, avait été fermé pendant quatorze ans. Le réactiver, c’était réanimer un pan du passé. « Avant, on faisait le repas pour les anciens et tout ça, donc on l’a réchauffé. » Un four, un village, une mémoire. Chez Xavier, chaque miche porte une part de ce patrimoine.
Dans sa boulangerie de Coursegoules, les produits racontent la terre. Ici, pas de standardisation. On parle de pain complet, de michette à l’huile d’olive, d’un pain qui se reconnaît à son goût et à sa texture. « Ils appellent ça le petit temps ici », sourit-il, en parlant de cette spécialité locale, simple et goûteuse.
Il travaille avec de la pâte fermentée, un choix délibéré. « Le levain est devenu trop acide par rapport aux gens, je pense. » Trop marqué, trop agressif. Lui préfère un pain plus doux, mieux digéré, qui respecte les estomacs comme les traditions.
Mais le plus important dans son métier ne se trouve pas uniquement dans le pétrin ou dans le four. « C’est le cœur du village », dit-il avec conviction. La boulangerie, comme l’épicerie, le restaurant, la crêperie ou le bistrot, crée du lien. Elle rassemble. Elle fait exister le village au quotidien.
« Ça fait réunir les enfants, ça fait réunir les parents, ça fait réunir absolument tout le monde. » Dans un monde rural où les services disparaissent souvent, la boulangerie est un repère. Un point fixe dans les rythmes des habitants, une porte toujours ouverte.
Xavier ne parle pas de chiffres, de productivité ou de rentabilité. Il parle de plaisir. Celui de voir les visages s’éclairer quand on mord dans un sablé, celui de partager un morceau de pain qui nourrit autant qu’il rassemble.
Dans son geste quotidien, il y a une forme de générosité artisanale, presque invisible mais profondément ressentie. C’est une éthique du travail bien fait, sans prétention, mais avec une exigence constante : donner le meilleur.
Les gestes que répète Xavier chaque matin ont une épaisseur. Ils ne sont pas mécaniques. Ils s’inscrivent dans une continuité, une mémoire collective. Les recettes, les techniques, les odeurs même, évoquent d’autres époques, d’autres visages. C’est aussi cela qu’il transmet, sans le dire.
La michette à l’huile d’olive, la pâte fermentée, les amandines : autant de saveurs qui réveillent les souvenirs. On ne vient pas seulement acheter du pain. On vient chercher un peu de permanence, dans un monde qui va vite.
À Coursegoules, les commerces de proximité sont essentiels. Ils ne sont pas seulement là pour vendre. Ils font vivre le lieu. « Comme le petit bistrot, comme la crêperie, comme tous les commerces », rappelle Xavier. Lui en est convaincu : sans artisans, un village meurt à petit feu.
Sa présence chaque matin derrière le comptoir est un acte de résistance douce. Travailler, nourrir, accueillir. Il ne revendique pas un rôle politique, mais il en incarne un. Celui de la vitalité rurale, d’un tissu local vivant.
Et pendant qu’il parle, il travaille. Le four chauffe, la pâte lève. Les gestes sont sûrs, précis, rapides. Pas besoin de réfléchir : le corps sait. Il y a dans la manière qu’a Xavier de parler tout en façonnant ses sablés quelque chose de fluide, d’authentique.
Son atelier est à la fois un lieu de production et un lieu de transmission. Un espace où l’on pétrit autant qu’on raconte, où chaque fournée devient un prétexte à l’échange.
Car oui, il fait du pain. Mais pas seulement. Il fabrique du lien. Il façonne de la confiance. Il entretient un rapport aux saisons, aux goûts, aux besoins des gens. Il est à la fois artisan, confident, animateur du quotidien.
Et si son nom circule à travers les villages, ce n’est pas à coup de publicité, mais par la bouche des habitants. Ceux qui viennent chercher une miche, et repartent avec le sourire. Ceux qui trouvent dans ses amandines un réconfort simple, une douceur sans fioriture.
Xavier Rouxel n’a pas besoin d’effets. Son engagement parle pour lui. En racontant son métier, il montre une manière d’être au monde : attentive, enracinée, généreuse. Une manière de rester, là où tant d’autres partent. D’ouvrir, là où d’autres ferment. De transmettre, là où tout s’accélère.
Dans son fournil, il y a plus que de la pâte et de la farine. Il y a un choix de vie. Une forme de fidélité. Une résistance tranquille, mais précieuse.
DB+IA 30/10/2025