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Yann Pidoux Barutciyan est un artisan à contre-courant. Là où d’autres imposent des formes standardisées à leurs créations, lui s’efface devant la pierre. Spécialiste de l’opale australienne, il commence toujours par elle. Une opale brute, non calibrée, dont il va révéler les couleurs, les éclats, les feux internes.
« Mon dada, en fait, c’est de créer des bijoux qui vont être autour de la pierre. Donc c’est elle qui va décider de la forme du bijou », explique-t-il. Cette approche intuitive et organique le distingue immédiatement : ici, pas de modèle prédéfini, pas de moule. Juste la pierre et l’œil de l’artisan.
Le travail commence par une lecture minutieuse de l’opale, une opération aussi délicate que capitale. « Ce qui est un peu compliqué », admet Yann. Il faut d’abord « débruiter » la pierre, c’est-à-dire lui donner une première forme, révéler son potentiel chromatique sans trop entamer sa matière.
L’objectif : « perdre le minimum de matière possible pour avoir un beau cabochon bien brillant avec plein de couleurs. » Ce respect du matériau, cette économie du geste, reflète une philosophie de travail centrée sur la préservation de la pierre autant que sur sa mise en valeur.
Une fois le cabochon révélé, le travail de bijouterie commence. Yann part de métal brut – généralement sous forme de grenaille – qu’il fond et façonne pour créer le support. « Un serti clos, un corps de bague ou un pendentif », selon les envies, mais toujours en fonction de ce que dicte la pierre.
Chaque bijou est donc une pièce unique, née d’un double dialogue : entre la pierre et la main de l’artisan, entre la matière et le geste. Le bijou n’est pas une enveloppe, mais une continuité. Une mise en scène discrète de la pierre, jamais un décor envahissant.
L’atelier de Yann est un espace de précision et de patience. L’outil principal : la facetteuse. Une machine équipée de meules diamantées interchangeables, qui permet de travailler à différents niveaux de finesse. « La facetteuse porte bien son nom », souligne-t-il. Elle sert à tailler des facettes, mais aussi à façonner de petits cabochons, selon les besoins.
Pour des pièces plus volumineuses, Yann utilise une autre machine : la cabochon-lumineuse, « une énorme machine qui va tourner avec plusieurs rouleaux simultanément ». Ces outils mécaniques ne remplacent pas la main de l’artisan, ils la prolongent. Ils demandent une grande maîtrise et un sens aigu du détail.
Ce que Yann Pidoux Barutciyan décrit, au fil de ses explications, c’est une alchimie. Celle entre la technique et la matière, entre le feu des pierres et la rigueur des outils. L’opale, pierre capricieuse et changeante, exige cette attention totale. Elle peut contenir toutes les couleurs du spectre, mais ne les révèle qu’à celui qui sait l’observer.
Dans un monde où la production industrielle a lissé les formes et les gestes, le travail de Yann rappelle que chaque bijou peut encore être le fruit d’une rencontre. Un bijou qui ne s’impose pas à la pierre, mais s’en inspire.
Yann Pidoux Barutciyan signe ainsi des pièces profondément singulières, qui brillent autant par leur éclat que par la justesse de leur composition. Une œuvre discrète, mais puissante, où l’artisan ne cherche pas à dominer la matière, mais à lui laisser parler sa langue propre.
SDZ + IA