Rejoignez la communauté TaVilleTaVie
Ancienne horticultrice installée à Tourrettes-sur-Loup, Yvette Boselli cultive aujourd’hui bien plus que des plantes : elle cultive l’échange, la transmission et la générosité. À la journée des plantes et de la biodiversité, elle partage gratuitement boutures et graines issues de son jardin luxuriant. Portrait d’une passionnée au cœur vert.
Derrière le stand fleuri de la journée des plantes, un sourire franc, une voix douce mais décidée, et surtout des caisses pleines de trésors végétaux. Yvette Boselli n’est pas une exposante comme les autres. Ancienne horticultrice, elle a longtemps été l’une des gardiennes de la violette de Tourrettes-sur-Loup, cette fleur emblématique de la région. Aujourd’hui retraitée, elle continue de faire rayonner son savoir-faire, mais d’une autre manière.
« Maintenant, je suis à la retraite, je m’occupe de mon jardin et de mon potager », raconte-t-elle simplement. Mais derrière cette humilité, se cache un engagement profond pour la biodiversité locale, et une générosité qui fait école.
Yvette Boselli ne vend rien. Elle donne. C’est là toute la singularité de sa démarche, à rebours des logiques marchandes souvent à l’œuvre dans les foires horticoles. « Ce sont des plantes qui prolifèrent, que j’arrache, et je fais des dons de graines, de plantes que j’ai dans mon jardin », précise-t-elle.
Pas de transactions, pas de tarifs. Parfois, un échange, si quelqu’un lui propose une variété qu’elle n’a pas. Mais le cœur du geste est ailleurs : offrir ce que la terre donne en abondance. Une philosophie que la jardinière met en pratique avec un enthousiasme contagieux.
Dans les bacs en plastique, sur les étagères improvisées ou simplement posées au sol, on trouve de tout : menthe, bourrache, iris du Japon, basilic odorant, graines de potimarron, roses trémières, courges… Certaines plantes viennent de chez elle, d’autres lui ont été données. Toutes ont trouvé chez Yvette un terrain d’accueil propice à leur prolifération.
« Souvent, ce sont des boutures qu’on m’a données, qui ont vraiment poussé. » Une réussite qu’elle attribue modestement à une compétence réputée chez les jardiniers : « Apparemment, j’ai la main verte, m’a-t-on dit. »
À l’heure où tout se vend, son refus de monnayer ses plantes surprend, voire détonne. « Ça me fait plaisir d’offrir plutôt que de faire payer. J’ai pas envie de faire payer. » Une décision mûrement réfléchie, qui reflète une conception du jardinage comme un acte de partage, non de profit.
Ce choix altruiste fait aussi de son stand un lieu de rencontre, d’échange et de transmission. Les visiteurs repartent souvent avec bien plus que quelques plants : un conseil, une anecdote, un sourire. Et l’envie, peut-être, de faire pareil à leur tour.
Yvette ne cherche ni à se reconvertir ni à occuper son temps libre de manière lucrative. Le jardinage, chez elle, n’a jamais cessé, mais il a changé de statut. Désormais, il est loisir, passion, lien au vivant et à la commune.
Elle précise d’ailleurs : « Ce n’est pas mon job. Moi, je suis à la retraite maintenant. » Mais son investissement dans la journée des plantes montre bien que l’engagement communautaire, lui, ne prend pas de retraite. « Je me suis toujours investie au niveau du village, et je continue, même à la retraite. »
Installée à Tourrettes-sur-Loup, Yvette dispose d’un vaste terrain qu’elle entretient avec amour. Son jardin potager lui permet de récolter des graines en abondance, comme celles de potimarron qu’elle récupère en ouvrant les courges. Celles de son jardin d’agrément sont tout aussi précieuses : bourrache, pavots, iris, plantes grasses, menthes variées, basilics odorants, et même une plante givrée au parfum puissant.
Le tout dans une logique d’autonomie, de recyclage et de respect du rythme naturel des plantes : « Le fruit ou le légume, je le fais sécher, et après, voilà, on les replante et ça repart. »
Yvette ne vend pas, mais elle fidélise. Son stand attire les habitués, comme Teresa, une habituée qui revient chaque année. « Elle me dit qu’elle est venue. » D’autres viennent par curiosité, repartent avec quelques boutures, reviennent l’année suivante avec des nouvelles : « Ça a bien poussé ! »
Il y a dans ces retrouvailles annuelles une forme de reconnaissance, mais aussi de continuité. Chaque plant donné devient le début d’une nouvelle histoire végétale, et parfois humaine. « Si vous voulez autre chose aujourd’hui… », propose-t-elle à une visiteuse, comme on tend un secret.
En énumérant ses plantes, Yvette parle comme on déroule une cartographie affective : chaque espèce a son histoire, son coin de terre, parfois son donateur initial. Elle cite avec précision ce qu’elle cultive : « menthe », « bourrache », « gora », « gaudium », « misère »… Certaines sont connues, d’autres plus rares, mais toutes font partie de ce paysage qu’elle façonne jour après jour.
« Tout ça, c’est dans le jardin », dit-elle, comme pour rappeler que ce qu’elle offre ne vient ni d’une pépinière, ni d’un catalogue, mais bien d’un lien direct à la terre, au climat local, au vivant.
Une autre vertu de ses plantes ? Leur résilience. Yvette privilégie les espèces robustes, capables de s’épanouir sans arrosage constant, ni traitements. « C’est une plante aussi très rustique, qui n’a pas besoin d’eau et qui pousse très facilement », dit-elle à propos des iris du Japon.
Ce choix, pragmatique, est aussi un geste écologique. Il témoigne d’une attention fine aux conditions locales, et d’un refus des pratiques jardinières énergivores ou artificielles.
Yvette Boselli incarne une forme de sobriété heureuse. Elle cultive ce qu’elle aime, donne ce qu’elle peut, échange parfois, mais sans jamais tomber dans la logique de l’accumulation ou de la rentabilité. Sa démarche s’inscrit pleinement dans les valeurs de la journée des plantes et de la biodiversité : générosité, transmission, respect du vivant.
Dans un monde où la nature est trop souvent exploitée, marchandisée, voire détruite, elle rappelle que jardiner, c’est aussi prendre soin. De la terre, des autres, et de soi-même.
DV + IA